Etude des retombées de l'accident de Tchernobyl en Corse : estimation des dépôts de 1986 et état actuel de la contamination des sols
L. Pourcelot, P. Renaud, J.M. Métivier, D. Louvat
Rapport IRSN/02-21, mai 2002
Les deux départements corses sont, de tous les départements de l'est de la France, ceux qui ont reçu les plus fortes précipitations (maximum de 145 mm à Mignataja) durant la premiére semaine de mai 1986, lors du passage des masses d'air contaminé par l'accident de Tchernobyl. L'importance des dépôts radioactifs augmentant avec l'intensité des précipitations, la Corse a été l'un des endroits de France où les retombées de l'accident de Tchernobyl ont été les plus importantes.
Dans les jours qui ont suivi l'accident, un nombre limité de mesures a été effectué dans les départements corses dont deux mesures d'activité de sol de la région d'Aléria (de 40 à 50 mm de précipitation, en mai 1986), témoignant de dépôts de l'ordre de 15 000 à 20 000 Bq.m-2 en césium 137. En 1991, une mesure réalisée par la CRIIRAD donne une activité de 31 400 Bq.m-2 sur un échantillon de sol de Ghisonaccia. Ce faible nombre de données, en regard des niveaux de marquage significativement élevés mis en évidence, ne permet pas de donner une image représentative des dépôts sur la Corse en 1986 et de leur évolution dans le temps.
L'objectif visé par la campagne 2001 de mesure de la radioactivité des sols corses était double. II s'agissait, d'une part, de vérifier l'estimation faite par l'IPSN des dépôts radioactifs de l'accident de Tchernobyl en mai 1986 et, d'autre part, de dresser un état des lieux de la contamination en césium 137 des sols corses, quinze ans après l'accident. Lors de cette campagne 2001, 108 sites ont été échantillonnés.
A partir d'une corrélation précipitation/dépôt déterminée et testée par l'IPSN dans la région du Bas-Rhône, les dépôts en 137Cs et 131I de 1986, ont pu être estimés à partir des hauteurs de pluie enregistrées en Corse, pendant la première semaine de mai 1986 (données Météo-France). La répartition spatiale de ces dépôts met en évidence trois zones géographiques : la zone A (nord de l'île, où les dépôts de 137Cs ont été inférieurs à 10 000 Bq.m-2 ; la zone B (ouest de l'île), où les dépôts de 137Cs étaient compris entre 10 000 et 17 000 Bq.m-2 ; la zone C (est et intérieur de l'île), où les dépôts de 137Cs ont pu dépasser 34 000 Bq.m-2.
En comparant ces estimations de dépôts avec les résultats de la campagne 2001 de mesures, on peut noter que cette méthode donne une assez bonne image de la répartition régionale des dépôts des retombées de l'accident de Tchernobyl. Elle reste cependant entachée d'une incertitude résidant dans le caractére aléatoire de la répartition des pluies (orages) et dans la densité de la couverture du réseau Météo-France.
En dépit de la forte hétérogénéité spatiale de l'activité des sols, un essai de cartographie de la répartition actuelle du césium dans les sols de la zone la plus marquée, la zone C, a été réalisé. Cet essai cartographique est concluant car limité à une zone bien renseignée par une densité de mesures importante et concernant tous les types de sols présents sur la zone. Toutefois, une telle représentation à l'échelle de la Corse semble peu accessible, car l'hétérogénéité des sols demanderait de réaliser, avec une forte densité, une caractérisation géochimique et des mesures de sol en nombre très important.
Cette campagne de mesure réalisée en 2001 à la demande de la Direction générale de la santé montre que la rémanence des dépôts de césium, pourcentage du césium initialement déposé encore présent dans le sol, est faible, de l'ordre de 20 à 50 %, et très hétérogène en Corse. Les paramètres pédo-géochimiques des sols corses favorisent plutôt une faible rétention du césium et entraînent une migration du stock initial de césium déposé vers l'aval des bassins versants et in fine vers le stock sédimentaire marin.
La perte du stock initial de césium du sol ne permet pas d'envisager, quinze ans après l'accident, une quantification des dépôts initiaux de 1986 sur la Corse à partir de mesures d'activité des sols en 2001. Dans ce contexte, les évaluations de transferts dans les chaînes alimentaires doivent se fonder sur les dépôts estimés à partir des hauteurs de pluie.