Evaluation des risques associés aux rayonnements ionisants. Cancers du poumon après exposition domestique au radon et cancer de la thyroïde après exposition accidentelle aux iodes radioactifs.
Olivier CATELINOIS, thèse de doctorat de l'université Paris XI faculté de médecine Paris Sud spécialité épidémiologie santé publique, 218p, soutenue le 20 septembre 2004
Ce travail a pour objectif de développer une analyse critique des évaluations de risque radio-induits et de fournir des estimations de risque attribuable originales pour deux situations d'exposition environnementale aux rayonnements ionisants. Il est fondé sur une exploitation des connaissances acquises sur les relations dose-réponse et sur les expositions de la population générale aux rayonnements ionisants. Le travail s'appuie sur deux situations d'exposition aux rayonnements ionisants qui présente un enjeu pour la santé publique: les cancers du poumons associés aux expositions domestiques au radon (situation naturelle) et les cancers de la thyroïde associés aux retombées de l'accident de Tchernobyl (situation accidentelle).
L'évaluation des risques de cancer du poumon associés à l'exposition domestique au radon est basée sur 10 relations dose-réponse issues de cohortes de mineurs et d'études cas-témoins menées en population générale. Une revue critique des données disponibles sur la consommation tabagique a été réalisée et a permis de considérer l'interaction entre le radon et le tabac. Les données d'exposition sont issues des campagnes de mesures de l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (IRSN) et de la Direction Générale de la Santé réalisées depuis le début des années 80. Les données de mortalité par cancer du poumon en France sont fournies par l'INSERM. L'estimation d'un nombre de décès attribuable est réalisée à l'échelle de 8 régions (ZEAT) et de 96 départements pour l'année 1999 permetant de mesurer la sensibilité des résultats au niveau géographique de calcul. Une quantification des incertitudes associées aux coefficients de risque et aux expositions est réalisée. Leur impact sur les estimations est calculé. Le nombre de décès attribuables estimé varie de 543 (Intervalle d'incertitude (II) 90%: 75-1097) à 3108 (II 90%: 2996-3221). Les fractions de risques correspondantes sont comprises entre 2.2% (II 90%: 0.3% - 4.4%) et 12.4% (II 90%: 11.9% - 12.8%). L'enjeu majeur de santé publique liés aux nombreux décès associés à la présence ubiquitaire du radon dans l'habitat français est posé.
L'évaluation des risques de cancer de la thyroïde dans les régions françaises les plus exposées aux retombées de l'accident de Tchernobyl est basée sur un modèle d'excès de risque relatif publié par Ron et coll. en 1995. La population cible rassemble tous les enfants de moins de 15 ans vivant dans l'Est de la France en 1986. Les taux d'incidence entre 1978 et 1997 sont analysées et projetées jusqu'en 2007 via des modèle de type age-période-cohorte. Les données d'exposition sont fournies par l'IRSN. La caractérisation des risques est réalisées en considérant différents scénarios sur la projection des risques spontanés, sur l'efficacité des expositions internes par rapport aux externes et sur les niveaux de dépôts. Les incertitudes autour des coefficients de risque, des expositions et des projections des risques spontanées ont été quantifiées et leur impact sur les estimations de risque attribuable calculé. Le nombre de cas de cancer de la thyroïde estimé entre 1991 et 2007 dans la population cible est compris entre 5 (II 90%: 1-15) et 63 (II 90%: 12-180). A titre de comparaison, compte tenu des scénarios utilisés pour la projection des taux spontanés, le nombre spontané de cancer de la thyroïde devrait varier sur la même période entre 894 (II 90%: 869-920) et 1716 (II 90%: 1691-1741). L'évaluation des risques de cancer thyroïdiens montre que l'augmentation de l'incidence de ce cancer observée en France depuis 20 ans ne peut pas être expliquée par les retombées de l'accident de Tchernobyl.
Ce travail propose une adaptation de la démarche classique d'évaluation des risques sanitaires en intégrant ses différentes composantes notamment une discussion sur le choix des relations dose-réponse. L'analyse des données intègre la prise en compte de l'interaction entre les rayonnements ionisants et d'autres facteurs de risques connus, une projection de risques spontanés et une quantification des incertitudes autour des estimations. Les résultats originaux obtenus montrent l'importance du choix du modèle de risque, de la projection des risques spontanés et de la quantification des incertitudes dans les évaluations des risques. En conclusion, ce travail fournit des connaissances nouvelles en santé publique grâce à l'analyse de données épidémiologiques élargies.