Le Flt3 ligand, un bio-indicateur du statut fonctionnel de l'hématopoïèse

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16/06/2005

Titre du congrès :SFRP Ville du congrès :Nantes Date du congrès :14/06/2005

Type de document > *Congrès/colloque
Unité de recherche > IRSN/DRPH/SRBE/LTCRA
Auteurs > BERTHO Jean-Marc , DEMARQUAY Christelle , PRAT Marie

Les accidents récents ont démontré que la très grande majorité des irradiations accidentelles sont hétérogènes, avec une dose d'irradiation souvent mal définie. L'étendue des dommages à la moelle osseuse est donc difficile à estimer, ce qui complique le choix entre les différents traitements possibles du syndrome hématopoïétique. En effet, l'hématopoïèse résiduelle peut être suffisante pour rejeter une greffe de moelle osseuse, comme ce fut le cas pour l'un des irradiés de Tokaimura, malgré une dose d'irradiation estimée à 7,4 Gy (Nagayama, 2002). A l'inverse, une hématopoïèse résiduelle insuffisante induit des risques infectieux et hémorragiques très élevés pour le patient. Il est donc important de disposer d'un bio-indicateur, capable de renseigner sur l'étendue des dommages au système hématopoïétique et d'orienter la stratégie thérapeutique. Dans ce contexte, le Flt3 ligand pourrait être utilisé comme bio-indicateur du statut fonctionnel de la moelle osseuse. Cette cytokine, clonée en 1994 (Lyman, 1994), est exprimée de façon ubiquitaire dans l'organisme, et agit essentiellement sur la prolifération des cellules souches et progéniteurs hématopoïétiques et sur la différenciation des cellules dendritiques (Fichelson, 2000). Rapidement après sa découverte, il a été montré que la concentration sanguine de Flt3 ligand augmente chez les patients à la suite d'une chimiothérapie (Wodnar-Filipow icz, 1996), ce qui suggère une utilisation possible du Flt3 ligand comme bio-indicateur de l'atteinte à la moelle osseuse. Notre laboratoire a également montré chez le primate non humain que la concentration de Flt3 ligand augmente durant la première semaine après irradiation en fonction de la dose reçue (Bertho, 2001). Par la suite, une étude clinique réalisée en collaboration avec l'hôpital Saint Antoine nous a permis de vérifier que les variations de concentration sanguine de Flt3 ligand sont corrélées à la profondeur et à la durée de l'aplasie et à la sévérité de l'atteinte à la moelle osseuse (Huchet, 2003). Cependant, l'utilisation du Flt3 ligand comme bio-indicateur de l'atteinte radio-induite à la moelle osseuse nécessite d'une part une meilleure définition des variations de concentration de cette cytokine à la suite d'une irradiation hétérogène et d'autre part une meilleure connaissance des mécanismes de régulation de sa production. Variations de concentration du Flt3 ligand à la suite d'une irradiation hétérogène. Nous avons développé un modèle d'irradiation hétérogène chez la souris, avec l'inclusion d'une fraction définie (25%, 50%, 75% ou 100%) des territoires médullaires dans le champ d'irradiation. Nous avons utilisé trois doses d'irradiation, 4 Gy, 7,5 Gy et 11 Gy (irradiation gamma, source de cobalt 60, débit de dose de 1 Gy.min-1). Les animaux ont été euthanasiés à différents temps entre 3 jours et 28 jours après irradiation et le sang périphérique a été prélevé pour réaliser une numération-formule sanguine et la mesure du Flt3 ligand plasmatique. La moelle osseuse a été prélevée à la fois en territoire protégé et en territoire irradié pour une évaluation du contenu en progéniteurs hématopoïétiques. Les résultats ont montré une baisse rapide des leucocytes et des plaquettes chez tous les animaux irradiés suivi d'une récupération hématologique complète. Cependant, la profondeur de l'aplasie et le temps de récupération complète sont fonction à la fois de la dose d'irradiation et de la fraction de moelle osseuse irradiée. Dans la moelle osseuse, la diminution du nombre de progéniteurs est liée à la dose d'irradiation reçue par la moelle osseuse. Cependant, dans la zone non irradiée, une diminution du nombre de progéniteurs a été systématiquement observée, suggérant qu'une partie des cellules hématopoïétiques des territoires non irradiés ont la capacité de migrer pour re-coloniser les territoires irradiés. Une autre explication possible est l'existence d'un effet abscopal des territoires irradiés sur les territoires non irradiés. Néanmoins, la quantité totale de progéniteurs par animal est directement corrélée à la fois à la dose d'irradiation et à la fraction de moelle osseuse irradiée. De même, une analyse par régression linéaire multiple indique que les variations de concentration du Flt3 ligand en fonction du temps sont en corrélation étroite avec à la fois la dose d'irradiation et la fraction de moelle osseuse irradiée. Ceci démontre que la concentration sanguine de Flt3 ligand est un reflet de l'activité hématopoïétique. Une modélisation des relations entre atteinte radio-induite à la moelle osseuse et variations de concentration du Flt3 ligand à partir de ces données devrait permettre de développer un modèle mathématique de prédiction de l'atteinte à la moelle osseuse. Ce modèle, une fois adapté à l'homme, devrait constituer une aide précieuse à l'évaluation des dommages radioinduits à la moelle osseuse en situation d'irradiation accidentelle. Implication des cellules lymphoïdes dans la régulation du Flt3 ligand après irradiation. Des travaux antérieurs ont suggéré l'implication des lymphocytes T dans l'augmentation de concentration du Flt3 ligand, en particulier à la suite d'une chimiothérapie (Chklovskaia, 1999). Cependant, les cellules lymphoïdes sont parmi les plus radiosensibles de l'organisme et disparaissent rapidement après irradiation. Il est donc possible que d'autres types cellulaires soient impliqués et notamment les cellules endothéliales (Solanilla, 2000) et les cellules stromales médullaires (Lisovky, 1996). Nous avons comparé la réponse à l'irradiation de deux lignées de souris, l'une normale (lignée Balb/C) et l'autre dépourvue de lymphocytes T et B (lignée NOD/SCID) afin de déterminer l'implication des cellules lymphoïdes dans la réponse Flt3 ligand à l'irradiation. Les résultats (Prat, 2005) ont montré une augmentation de la concentration de Flt3 ligand après irradiation similaire dans les deux lignées de souris, et que cette concentration plasmatique de Flt3 ligand est corrélée négativement au nombre de progéniteurs survivants dans la moelle osseuse, quelle que soit la dose d'irradiation, malgré l'absence de cellules lymphoïdes chez les souris NOD/SCID. D'autre part, la mesure de la concentration tissulaire de Flt3 ligand est très similaire pour les deux lignées de souris dans tous les organes testés. Ceci confirme que les cellules lymphoïdes sont peu ou pas impliquées dans la régulation du Flt3 ligand après irradiation. Enfin, l'expression ubiquitaire de la cytokine suggère un rôle central des cellules du mésenchyme, présentes dans tous les organes, dans la régulation du Flt3 ligand après irradiation. Ainsi, des analyses immunohistochimiques ont permis de montrer que le Flt3 ligand est fortement exprimé dans les cellules stromales médullaires et thymiques après irradiation (Prat 2005). Globalement, nos résultats mettent en évidence la faible implication des cellules lymphoïdes et la forte implication des cellules stromales dans les variations de concentration du Flt3 ligand après irradiation. Ils confirment que le Flt3 ligand constitue un bio-indicateur de l'état fonctionnel de la moelle osseuse après irradiation, et qu'il pourrait être utilisé dans les situations d'irradiation accidentelle, majoritairement hétérogènes. Cependant, d'autres applications sont envisageables, en particulier dans le suivi des patients recevant un traitement aplasiant ou une greffe de cellules souches hématopoïétiques.

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