INWORKS - Etude internationale des travailleurs du nucléaire

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29/01/2021

Dernière mise à jour en janvier 2021

Contexte


INWORKS est une étude épidémiologique internationale sur les travailleurs de l'industrie nucléaire mise en place en 2011. L'étude regroupe plus de 300 000 travailleurs employés à partir du milieu des années 40 dans l'industrie nucléaire française, américaine et britannique (préparation du combustible, recherche, production d'électricité, retraitement des combustibles irradiés) et surveillés pour une exposition externe aux rayonnements ionisants par le port de dosimètres individuels. INWORKS est coordonnée par le Centre International de Recherche sur le Cancer. Les cohortes française, américaine et britannique ont été constituées respectivement par l'Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (France), le National Institute for Occupational Safety and Health (USA) et le Public Health England's Centre for Radiation, Chemical and Environmental Hazards (UK). L'Université de Caroline du Nord (USA) et le Barcelona Institute for Global Health (Spain) participent également au consortium.


Objectifs


INWORKS vise à améliorer la connaissance des risques de cancer et maladies non cancéreuses associés à une exposition chronique à de faibles doses de rayonnements ionisants délivrées à de faibles débits de dose. INWORKS a également pour objectif de vérifier la validité des hypothèses sous-jacentes au système actuel de radioprotection des travailleurs qui repose sur une extrapolation des connaissances des risques radio-induits tirées du suivi épidémiologique des survivants des bombardements d'Hiroshima et de Nagasaki. En effet, des questions persistent sur la validité d'utiliser l'information tirée d'études de populations exposées à des doses aiguës de rayonnements ionisants (délivrées en une seule fois avec un fort débit dose), comme l'ont été les survivants des bombardements, pour assurer la protection des populations exposées très majoritairement de façon chronique à de faibles doses et faibles débits de dose comme le sont les travailleurs du nucléaire.


Description


INWORKS s'appuie sur un protocole identique à celui de l'étude « 15-pays » dont les résultats ont été publiés à partir de 2005 (Cardis et al., 2007). Il s'agit d'une cohorte conjointe intégrant les travailleurs embauchés au moins un an et surveillés pour une exposition externe aux rayonnements ionisants par une douzaine d'entreprises françaises, britanniques et américaines (Hamra et al., 2015). Les doses annuelles exprimées en milliSievert[1] (mSv) et les doses absorbées aux organes (côlon, poumon, moelle osseuse et sein chez la femme) exprimées en milliGray[2] (mGy) ont été estimées pour chaque travailleur en appliquant les coefficients de conversion de la Commission Internationale de Protection Radiologique aux données individuelles recueillies dans la cadre de la surveillance réglementaire des travailleurs (Thierry-Chef et al., 2015). Les informations sur la mortalité et les causes de décès des travailleurs ont été obtenues par croisement avec les registres nationaux de chaque pays.


Principaux résultats


Une cohorte conjointe de 308 297 travailleurs, en majorité des hommes (87 %), a ainsi été formée, avec une durée moyenne de suivi de près de 30 ans sur la période 1944–2005 et un cumul de 8,2 millions de personnes-années. En fin de suivi, 22 % des individus étaient décédés (66 632). La dose moyenne reçue par les travailleurs dans le cadre de leur poste de travail est de 25 mSv cumulés sur la durée de l'activité professionnelle, dont la moyenne est de 15 ans. La dose annuelle moyenne est inférieure à 2 mSv. Plus de 94 % de la population étudiée a cumulé moins de 100 mSv.

Les premiers résultats d'INWORKS (Leuraud et al., 2015) concernent le risque de décès par leucémie, lymphome et myélome multiple. Au total, 531 décès par leucémie (hors leucémie lymphoïde chronique[3]) ont été enregistrés dans la cohorte, 814 par lymphome et 293 par myélome multiple. Les résultats montrent que le risque de leucémie est multiplié par un facteur 4 pour une augmentation de la dose reçue à la moelle osseuse de 1 000 mGy. Il est important de noter que dans la cohorte étudiée, la dose moyenne à la moelle osseuse cumulée par les travailleurs est de 16 mGy. Cette relation n'est plus statistiquement significative pour les travailleurs ayant reçu une dose à la moelle osseuse en dessous de 300 mGy, ce qui représente 99 % des individus inclus dans l'étude. Pour les lymphomes et les myélomes multiples, l'étude ne montre pas d'augmentation statistiquement significative du risque de mortalité avec la dose. L'association dose-risque observée dans INWORKS pour les leucémies est cohérente avec celle observée chez les survivants des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki (Ozasa 2012).

Le risque de décès par cancers autres que leucémies a également été étudié (Richardson et al., 2015 ; Daniels et al., 2017 ; Richardson et al., 2018). Au total, 19 064 décès par cancers autres que leucémies ont été enregistrés dans la cohorte. Les résultats montrent que le risque de décès par cancers autres que leucémies est multiplié par un facteur 1,5 pour une augmentation de la dose reçue au côlon de 1 000 mGy. Il est important de noter que dans la cohorte étudiée, la dose moyenne à la moelle osseuse cumulée par les travailleurs est de 17 mGy. Cette relation n'est plus statistiquement significative pour les travailleurs ayant reçu une dose au côlon en dessous de 100 mGy. L'association dose-risque observée dans INWORKS pour les cancers autres que leucémies est cohérente avec celle observée chez les survivants des bombardements atomiques de Hiroshima et Nagasaki (Ozasa 2012). Enfin, une augmentation de la mortalité par maladies de l'appareil circulatoire associée à la dose cumulée a également été observée dans cette population de travailleurs (Gillies et al., 2017).


Quels sont les enseignements d'INWORKS ?


Les résultats d'INWORKS montrent que la relation entre le risque de décès par cancer et une exposition chronique à de faibles doses de rayonnements ionisants est similaire à celle déjà connue pour des doses délivrées à fort débit de dose. Ils confortent l'une des bases du système de radioprotection actuel, qui consiste en l'hypothèse d'une persistance d'un risque radio-induit aux faibles doses répétées délivrées à faibles débits de dose. Ces résultats renforcent la justification d'une protection radiologique des populations exposées aux faibles doses de rayonnements ionisants (travailleurs de l'industrie nucléaire, personnels médicaux, exposition médicale diagnostique…). La prolongation du suivi de ces cohortes permettra d'améliorer encore la quantification des risques radio induits aux faibles doses dans le futur.

 

Financements


Institut de Radioprotection et de Sûreté Nucléaire (France), Public Health England (U.K.), National Institute for Occupational Safety and Health (U.S.A.), U.S. Department of Energy (U.S.A.), Centers for Disease Control and Prevention (U.S.A), Ministry of Health, Labour and Welfare of Japan (Japan).


Information CNIL pour les personnes incluses dans l'étude INWORKS


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[1] le milliSievert (mSv) est l'unité de dose utilisée en radioprotection. Pour comparaison, la dose moyenne reçue par la population française en 2016 du fait de l'ensemble des sources d'exposition est estimée à 4,5 mSv.

[2] le milliGray (mGy) est l'unité de dose absorbée par un organe donné. Pour le risque de leucémie et autres tumeurs hématopoïétiques, l'organe pertinent est la moelle osseuse.

[3] les leucémies lymphoïdes chroniques ne sont pas considérées à ce jour comme potentiellement radio-induites en l'état actuel des connaissances.



Références


  • Cardis E, Vrijheid M, Blettner M, Gilbert E, Hakama M, Hill C, Howe G, Kaldor J, Muirhead CR, Schubauer-Berigan M, Yoshimura T, Bermann F, Cowper G, Fix J, Hacker C, Heinmiller B, Marshall M, Thierry-Chef I, Utterback D, Ahn Y-O, Amoros E, Ashmore P, Auvinen A, Bae J-M, Bernar J, Biau A, Combalot E, Deboodt P, Diez Sacristan A, Eklof M, Engels H, Engholm G, Gulis G, Habib RR, Holan K, Hyvonen H, Kerekes A, Kurtinaitis J, Malker H, Martuzzi M, Mastauskas A, Monnet A, Moser M, Pearce MS, Richardson DB, Rodriguez-Artalejo F, Rogel A, Tardy H, Telle-Lamberton M, Turai I, Usel M, Veress K. The 15-Country Collaborative Study of Cancer Risk Among Radiation Workers in the Nuclear Industry: Estimates of Radiation Related Cancer Risks. Radiat Res 2007; 167: 396-416.

  • Daniels RD, Bertke SJ, Richardson DB, Cardis E, Gillies M, O'Hagan JA, Haylock R, Laurier D, Leuraud K, Moissonnier M, Thierry-Chef I, Kesminiene A, Schubauer-Berigan MK. Examining temporal effects on cancer risk in the international nuclear workers' study. Int J Cancer 2017; 140(6):1260-1269.

  • Gillies M, Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, O'Hagan JA, Haylock R, Laurier D, Leuraud K, Moissonnier M, Schubauer-Berigan MK, Thierry-Chef I, Kesminiene A. Mortality from circulatory diseases and other non-cancer outcomes among nuclear workers in France, the United Kingdom and the United States (Inworks). Radiat Res 2017; 188(3):276-290.

  • Hamra GB, Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, Gillies M, O'Hagan J, Haylock R, Laurier D, Leuraud K, Moissonnier M, Schubauer-Berigan MK, Thierry-Chef I, Kesminiene A. Cohort Profile: The International Nuclear Workers Study (INWORKS). Int J Epidemiol 2015; doi: 10.1093/ije/dyv122.

  • Laurier D, Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, Gillies M, O'Hagan J, Hamra GB, Haylock R, Leuraud K, Moissonnier M, Schubauer-Berigan MK, Thierry-Chef I, Kesminiene A. The international nuclear workers study (INWORKS): A collaborative epidemiological study to improve knowledge about health effects of protracted low-dose exposure. Radiat Prot Dos 2017; 173(1):21-25.

  • Leuraud K, Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, Gillies M, O'Hagan J, Hamra GB, Haylock R, Laurier D, Moissonnier M, Schubauer-Berigan MK, Thierry-Chef I, Kesminiene A. Ionizing Radiation and Leukaemia and Lymphoma: Findings from an international cohort study of radiation-monitored workers. Lancet Haematol 2015; 2(7):e276-e281.

  • Ozasa K, Shimizu Y, Suyama A, Kasagi F, Soda M, Grant EJ, Sakata R, Sugiyama H, Kodama K. Studies of the mortality of atomic bomb survivors, report 14, 1950-2003: An overview of cancer and noncancer diseases. Radiat Res 2012; 177(3): 229-243.

  • Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, Gillies M, O'Hagan JA, Hamra GB, Haylock R, Laurier D, Leuraud K, Moissonnier M, Schubauer-Berigan M, Thierry-Chef I, Kesminiene A. Risk of cancer from exposure to ionizing radiation: a retrospective cohort study of workers in France, the United Kingdom, and the United States (INWORKS). BMJ 2015; 351:h5359.

  • Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, Gillies M, Haylock R, Leuraud K, Laurier D, Moissonnier M, Schubauer-Berigan MK, Thierry-Chef I, Kesminiene A. Site-specific Solid Cancer Mortality after Exposure to Ionizing Radiation: A Cohort Study of Workers (INWORKS). Epidemiol 2018; 29(1):31-40.

  • Schubauer-Berigan M, Leuraud K, Richardson DB, Cardis E, Daniels RD, Gillies M, O'Hagan JA, Hamra GB, Haylock R, Laurier D, Moissonnier M, Thierry-Chef I, Kesminiene A. INWORKS study: risk of leukaemia from protracted radiation exposure – Authors' reply. Lancet Haematol 2015; 2(10):e405-e406.

  • Thierry-Chef I, Richardson DB, Daniels RD, Gillies M, Hamra GB, Haylock R, Kesminiene A, Laurier D, Leuraud K, Moissonnier M, O'Hagan J, Schubauer-Berigan MK, Cardis E, on behalf of the INWORKS consortium. Updated and expanded external dosimetry conversion factors for workers in the nuclear industries in France, the UK and the US: methods for organ dose estimates for use in the International Nuclear Workers Study (INWORKS). Radiat Res 2015; 183(6):632-642.


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Laboratoire IRSN impliqué :