Origine et devenir du tritium au sein des hydrosystèmes continentaux méditerranéens français non nucléarisés
Loïc Ducros a soutenu sa thèse le 14 juin 2018 au Technopole Arbois Méditerranée à Aix-en-Provence
Initialement émis dans l’environnement au cours des essais nucléaires atmosphériques entre 1945 et 1980, le tritium (3H ou T), est aujourd’hui l’un des principaux radionucléides rejetés par les Centrales Nucléaires de Production d'Electricité (CNPE) et les centres de retraitement du combustible usé. Ce radionucléide est présent dans toutes les composantes environnementales sous différentes formes, libres (HT, HTO, CH3T) ou liée à la matière organique (TOL) et possède les mêmes caractéristiques physico-chimiques que celles de l’isotope stable de l’hydrogène. De plus, ces deux isotopes de l’hydrogène (1H et 3H) suivent les mêmes dynamiques d’incorporation et de dégradation dans les organismes vivants du fait de leur forte mobilité, se mettant rapidement à l’équilibre avec le milieu ambiant. Depuis plusieurs années, diverses études ont montré la présence d’un déséquilibre TOL/HTO, pour différents compartiments environnementaux (terrestre et aquatique) et pour différentes matrices (sols, sédiments ou encore poissons). Ce travail de recherche vise à expliquer d’une part la variabilité des concentrations en tritium et d’autre part l’origine des déséquilibres TOL/HTO observés en se basant sur l’hypothèse de la rémanence. En effet, si un organisme a été exposé dans le passé à des concentrations ambiantes plus importantes qu’actuellement, il peut exister une trace de cette contamination dans la matière organique (TOL), appelée rémanence, qui induit un déséquilibre apparent par rapport aux teneurs actuelles sous formes libres dans l’environnement, avec lesquelles l’eau tissulaire (HTO) est en équilibre. Ce phénomène peut être observé pour des organismes vivants ou des matrices abiotiques (matière organique dans les sols et sédiments). Une approche multi-échelles, centrée sur le rôle du transfert différé de la matière organique entre les compartiments environnementaux a donc été privilégiée. Les résultats acquis à l’échelle du pourtour méditerranéen ont permis d’établir des gammes de concentrations en HTO dans des cours d’eau, non influencés par des rejets atmosphériques d’installations nucléaires, et d’identifier les principaux paramètres environnementaux liés à la variabilité observée. Les résultats ont également permis de comprendre l’origine du TOL, mesuré dans différentes matrices terrestres et aquatiques, à partir d’analyses statistiques. Celles-ci tendent à confirmer que des zones de rémanence en tritium sous forme liée, issus des essais nucléaires atmosphériques, peuvent conduire à des déséquilibres significatifs entre formes libres et liées. De plus, l’étude d’une archive sédimentaire a mis en évidence l’existence d’un pic de concentrations en TOL en profondeur, provenant vraisemblablement des retombées de ces essais. Enfin, l’instrumentation d’un site atelier à proximité d’une installation nucléaire, influencé par d’importants rejets atmosphériques tritiés au cours des cinquante dernières années, a permis de confirmer l’existence d’un marquage de la matière organique et la rémanence du tritium sous sa forme liée, notamment dans les matrices abiotiques échantillonnées.