Rôle des composantes géochimiques et microbiologiques d'un sol sur le comportement du sélénium en conditions oxiques et anoxiques
Olivia Darcheville, thèse de doctorat de l'université d'Avignon et des pays de Vaucluse, spécialité sciences agronomiques, 251 p., soutenue le 9 septembre 2008
Le sélénium (Se) est naturellement présent dans l’environnement. Elément essentiel aux êtres vivants à faibles concentrations, il devient rapidement toxique avec leurs augmentations. Un de ses isotopes radioactifs, le 79Se est présent à hauteur de 0,04 % dans les déchets radioactifs de Haute Activité à Vie Longue (HAVL) dont le stockage géologique profond est envisagé. Dans le sol, le Se existe sous de multiples formes et sa mobilité est affectée par le potentiel d’oxydoréduction et les activités microbiennes. Très peu d’études ont porté sur sa réactivité à l’état de trace.
Afin d’améliorer les connaissances sur le devenir de cet élément, nous avons réalisé un travail permettant de distinguer les principaux processus géochimiques abiotiques et microbiologiques impliqués dans le devenir du sélénite (Se(IV)) à l’état de trace dans le sol. Cette étude était basée sur des incubations en batch de boues de sol contaminées artificiellement en Se(IV) à hauteur de 0,4 mg Se.kg-1 sol sec et soumises à des conditions oxique ou anoxique. Les incubations ont concernédu sol stérilisé et du sol non stérile sans ou avec amendement organique pour stimuler alors les activités microbiennes. En condition oxique, il s'agissait de glucose ou de cellulose, et les incubations avec glucose ont été répétées après ajout d'un antibactérien ou d'un antifongique. En condition anoxique, il s'agissait de glucose, et le Se a été apporté à différentes dates correspondant à différents états redox et à des activités microbiennes contrastées. Pour chaque incubation, nous avons suivi la distribution du Se entre les phases solide (extractions séquentielles), liquide (état redox, dissous ou colloïdal) et gazeuse (piégeage). Nous avons par ailleurs suivi les évolutions géochimiques de la solution (pH, EH, les composés azotés, les acides organiques et alcool), la composition de l’atmosphère gazeuse des flacons et la microflore du sol (biomasse totale, biomasse fongique, densité bactérienne, caractérisation de la structure des communautés bactériennes en condition oxique, dénombrement en conditions anoxique des bactéries cultivables dénitrifiantes, fermentaires, SeO32-réductrices et Fe IIIréductrices).
Les résultats ont montré que le Se apporté à l’état de trace est relativement peu mobile dans le sol étudié. Nous avons mesuré entre 50 et 90 % de rétention sur la phase solide. Les processus géochimiques ont un rôle majeur dans le contrôle de la mobilité du Se. Au cours du temps, certaines transformations abiotiques en phase solide aboutissent à une immobilisation de plus en plus forte du Se. Les processus microbiologiques contribuent à augmenter cette immobilisation au sein de la phase solide. Néanmoins, en condition oxique et anoxique, en moindre mesure, certains processus microbiens peuvent être, au contraire, responsables d’une dispersion du Se dans la biosphère par la production de composés volatils. Par ailleurs, aucune des activités bactériennes ciblées en conditions anoxique (dénitrification, fermentation, réduction du fer, homoacétogénèse et acétogénèse vraie) n’a eu d’effet spécifique sur la mobilité du Se. Enfin, la mobilité du Se dans un sol ne peut se déduire d'un simple diagramme de Pourbaix (EH-pH). En effet, la plupart des réactions d'oxydo-réductions se font dans le sol hors équilibre thermodynamique, et aboutissent à des mesures de EH souvent liées un à seul couple oxydant-réducteur et ce en fonction de l'abondance des composés et de la sensibilité de l'électrode à ces composés.