Le projet Cosea
Le projet de recherche en sciences humaines COSEA (Co-activité et sûreté en acte) vise à analyser au plus près des situations de chantier concrètes sur lesquelles des équipes de cœurs de métier différents se retrouvent à travailler en interdépendance et ce dans des contextes très contraints (souterrain, etc.) et présentant des enjeux de sécurité.
Lancé par l'IRSN en décembre 2015, le projet COSEA doit permettre de proposer des éléments de réflexion sur les risques liés à la co-activité et les outils susceptibles d’être mis en œuvre pour les prévenir. En lien avec le Centre de sociologie des organisations (CSO) de Sciences Po, l'Institut suit et observe le chantier de prolongement de la ligne de métro 14 de la RATP. Un partenariat tripartite a ainsi été signé. Les résultats de ce projet de recherche serviront notamment à nourrir les expertises que l’IRSN produit concernant la co-activité au sein du projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique) ou lors des chantiers de démantèlement des installations nucléaires ou encore lors des modifications majeures des installations nucléaires.
Les résultats prometteurs obtenus dans la première phase du projet (2015-2018) ont conduit l'IRSN et ses partenaires à prolonger le projet jusqu'en 2023.
Caractéristiques du projet
- Dates de réalisation : 2015-2023
- Financement : Centre de sociologie des organisations (Sciences-Po, CNRS), IRSN
- Partenaires : Centre de sociologie des organisations (Sciences-Po, CNRS), IRSN
Contexte et objectifs
Le projet COSEA vise à mieux comprendre les enjeux de la co-activité dans des environnements contraints et complexes du point de vue de la sûreté, comme dans le cas du projet Cigéo (Centre industriel de stockage géologique qui a donné lieu à la création d’un laboratoire souterrain à Bure (Meuse/Haute-Marne), lequel a pour mission d’évaluer la possibilité de créer un stockage de déchets dans une formation argileuse profonde) ou encore les situations de démantèlement des installations nucléaires ou bien donnant lieu à l’implantation de modifications importantes.
Le choix du terrain d’investigation a porté sur le chantier du prolongement de la ligne 14 de la RATP du fait de ses différentes caractéristiques, et notamment de la fréquence des situations de co-activité, situations mettant en présence des équipes de génie civil et d’aménagement des voieries avec des équipes d’exploitation et de réalisation de travaux dans des environnements très contraints.
La démarche adoptée est essentiellement ethnographique et rassemble deux approches sociologiques distinctes : la sociologie des risques, qui s’interroge sur les perceptions sociales et individuelles du risque, et la sociologie du travail, qui s’intéresse aux dynamiques humaines et organisationnelles en lien avec les modes de gouvernance, les techniques et styles de management. Des entretiens avec différents acteurs du chantier (responsables de production, de maintenance, conducteurs de travaux, chefs de chantiers, pilotes de tunnelier, compagnons) sont réalisés sur la base du volontariat. En parallèle, le déroulement d’un certain nombre d’opérations est observé et un suivi photographique est réalisé (trace visuelle de l’évolution).
La démarche tient compte :
- de la conception et de l’organisation de ces situations de travail
- des modes de coopérations entre collègues d’une même entreprise et d’entreprises différentes et d’interactions entre les différents niveaux hiérarchiques
- des caractéristiques de l’environnement souterrain (espace exigu, contraintes de ventilation et d’accessibilité, etc.)
- de la configuration « chantier » dans laquelle les activités sont distribuées et dispersées dans le temps et l’espace.
Première phase du projet :
La première phase du projet COSEA a permis de mettre en évidence que l’espace du chantier combine deux caractéristiques : il est à la fois espace de travail, mais aussi matériau de travail. Le cadre donné (espaces disponibles en surface et sous terre) et sa consistance (terrain plus ou moins meuble et facile à travailler) façonnent les modalités de déroulement de l’activité productive. En retour, le travail réalisé sur l’espace (excavation, coulage de béton, etc.) modifie l’espace, qui, lui-même, organise et fait évoluer le cadre du travail. C’est dans cette dialectique permanente entre l’action et son cadre que se logent les enjeux de la co-activité et les conditions de maîtrise de la sûreté. Le chantier fait l’objet de luttes de définition des espaces qui viennent caractériser et expliciter la complexité des situations de co-activités.
Cette première phase a également permis d’analyser la co-activité à travers les enjeux que recouvrent les différents espaces de travail. Il s’agit d’abord de préserver son espace de travail malgré la situation de co-activité. Mais il faut parfois accepter d’adapter et réajuster les frontières de son espace de travail pour permettre à l’ensemble de l’ouvrage d’avancer (espace négocié), tout en restant cohérent avec les logiques financières poursuivies (espace contractuel). Il s’agit d’un équilibre délicat à trouver qui doit bien souvent faire l’objet de négociations et d’arbitrages avec un tiers.
Mais la complexité des situations de co-activité ne réside pas uniquement dans le process technique de l’ouvrage à réaliser. Les infrastructures de vie du chantier, si elles sont parfois négligées car elles apparaissent secondaires, organisent et accompagnent les situations de co-activité. Enfin, les situations de co-activité ne naissent pas uniquement de la proximité physique des équipes de travail. L’environnement, les espaces de stockage, la circulation des flux s’inscrivent également dans l’espace de travail et viennent indirectement définir et redéfinir les situations de co-activité.
Les résultats ont fait l’objet d’un premier rapport de synthèse en ligne.
Photo : Délimiter les espaces entre les différentes activités du chantier. (c) Elsa Gisquet / Médiathèque IRSN
Deuxième phase du projet :
L’objectif de la seconde phase du projet, qui se déroulera jusqu’en 2023, est de prolonger et d’approfondir l’approche de la co-activité en termes d’espaces, afin d’analyser les emboîtements de co-activité dans un contexte de plus en plus tendu avec le rapprochement de l’échéance officielle de mise en service de la ligne. Les situations de co-activité se généralisent avec de moins en moins d’espaces (au sens propre comme au sens figuré) de négociations. Elles se transforment également pour se réaliser à distance, dans les interfaces entre hommes et machines.
À l’issue de cette seconde phase de recherche, la vie du chantier aura été retracée dans son intégralité, du début à sa fin. Il sera alors possible de dégager des enseignements sur le lien entre sûreté/sécurité et co-activité.
Les résultats pourront être mis en perspective avec le projet Cigeo, les chantiers de démantèlement ou de modifications majeures des installations nucléaires. Ceci permettra d’apporter des éléments de réponse à des questions que se pose l’expertise sur les situations de co-activité au regard des enjeux de sûreté
À l’issue de cette seconde phase de recherche, la vie du chantier aura été retracée dans son intégralité, du début à sa fin. Il sera alors possible de dégager des enseignements sur le lien entre sûreté/sécurité et co-activité.
Les résultats pourront être mis en perspective avec le projet Cigeo, les chantiers de démantèlement ou de modifications majeures des installations nucléaires. Ceci permettra d’apporter des éléments de réponse à des questions que se pose l’expertise sur les situations de co-activité au regard des enjeux de sûreté.
Photo : Relier les tunnels entre eux. (c) Elsa Gisquet / Médiathèque IRSN
Résultats attendus et finalités
Le projet COSEA doit permettre à l’Institut de construire un modèle d’évaluation des risques liés à la co-activité. Il devrait être utilisable pour l’évaluation de l’ensemble des situations à enjeux de sûreté mettant en présence un grand nombre d’acteurs « hétérogènes » susceptibles de poursuivre des objectifs et intérêts différents.
Ce modèle devrait traiter plus particulièrement les questions suivantes :
- quels sont les risques associés à la zone « chantier » susceptibles d’avoir un impact sur la sûreté de la zone en exploitation, et quelles sont les modalités de leur éventuelle « diffusion » à la zone en exploitation ?
- quelles exigences peuvent être formulées au sujet des composants assurant la séparation des zones de chantier et d’exploitation et permettant de prévenir les risques de co-activité ?
- quelles sont les dispositions organisationnelles à mettre en place afin d’assurer le maintien du principe de chantier « clos et indépendant » ?
Laboratoires IRSN impliqués
Le laboratoire LSHS
LSHS
Le Laboratoire des sciences humaines et sociales (LSHS) de l’IRSN, créé en 2012, conduit des recherches sur les aspects humains, organisationnels et sociaux qui peuvent avoir un impact la sûreté nucléaire. Il met en œuvre une approche pluridisciplinaire en sciences humaines et sociales (ergonomie, sociologie, psychologie sociale et sciences de gestion) pour acquérir des connaissances et développer des compétences en support aux missions d’expertise de l’IRSN.
L'avancement du projet
Les résultats de la phase 1 :