Savoir et comprendre

Impact sur la santé en 2016 de l’accident de Fukushima Daiichi

23/03/2016

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L’IRSN publie sur cette page ses notes d'information sur les impacts sanitaires de l’accident de Fukushima Daiichi pour les habitants de la région, ainsi que le suivi des personnels travaillant à la centrale.

 

Dès juin 2011, les autorités sanitaires japonaises ont conçu et mis en place quatre études épidémiologiques afin d’évaluer et de suivre l’état de santé des personnes qui ont été exposées aux rejets radioactifs au cours du temps.  Prévues pour une durée d’environ 30 ans, ces études sont pilotées par l’Université médicale de Fukushima (FMU)  en collaboration avec d’autres centres médicaux japonais.

 

Télécharger la note Bilan des études épidémiologiques conduites sur les habitants de la préfecture de Fukushima – Point de situation en mars 2016

 

Les principales informations disponibles concernant les travailleurs impliqués dans les opérations menées à la centrale de Fukushima Daiichi sont celles fournies par l’exploitant des installations Tepco. Elles concernent les employés de Tepco et des sociétés sous-contractantes.

  

Télécharger la note Situation des travailleurs impliqués dans les opérations menées à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi - Mars 2016

 

Quelles sont les conséquences sanitaires de l'accident de Fukushima Daiichi ?

Fukushima et santé
Source : Antoine Dagan/Spécifique/IRSN

 

Bilan des études épidémiologiques conduites sur les habitants de la préfecture de Fukushima en mars 2016

 

Enquête de base à destination de tous les habitants de la préfecture de Fukushima

Selon le dernier bilan réalisé au 31 décembre 2015, 564 083 personnes parmi les 2 055 326 habitants de la préfecture de Fukushima avaient répondu au questionnaire, soit un taux de réponse de 27,4%.

Répartition des doses externes maximales reçues au cours des quatre premiers mois après l'accident par les habitants de la préfecture de Fukushima

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Parmi les 459 620 résidents de la préfecture de Fukushima (hors travailleurs de la centrale) pour lesquels une dose externe a été estimée, 285 418 personnes (soit 62,1% des personnes évaluées) auraient reçu au cours des 4 premiers mois après l’accident des doses externes inférieures à 1 mSv et 15 personnes (0,003% des personnes évaluées) auraient reçu des doses supérieures à 15 mSv. Aucune évolution significative dans le temps de ces statistiques n’est observée.

 

Suivi de la fonction thyroïdienne des enfants exposés aux rejets radioactifs

 

Afin d’évaluer la fonction thyroïdienne des enfants exposés aux rejets radioactifs, la FMU a débuté en 2011 une vaste campagne de dépistage du cancer de la thyroïde auprès des 360 000 enfants présents dans la préfecture de Fukushima au moment de l’accident.

  • Première campagne de dépistage des cancers de la thyroïde (Avril 2011 - Avril 2014)

Sur les 300 476 enfants ayant répondu à la convocation pour une échographie thyroïdienne, l’incidence annuelle du cancer de la thyroïde chez les enfants âgés de moins de 18 ans est de 11 pour 100 000. 

 

En première analyse, l’incidence annuelle des cancers de la thyroïde serait 15 fois supérieure à celle observée dans le reste du Japon (données de la période 2003-2007 des registres de cancers de la thyroïde de huit autres préfectures japonaises non concernées par les retombées de l’accident de Fukushima) . Cependant, l’incidence annuelle des cancers de la thyroïde sur la base d’une campagne de dépistage systématique ne peut pas être comparée à celle estimée sur la base de données enregistrées en dehors de toute campagne de dépistage systématique.

 

Ainsi, au cours de la période 2011-2014, quatre campagnes de dépistage systématique du cancer de la thyroïde ont été mises en œuvre chez des enfants âgés de moins de 18 ans dans des préfectures non touchées par l’accident de Fukushima. Les données issues de ces études montrent que l’incidence annuelle estimée est comprise entre 23 et 130 pour 100 000. 

 

En conclusion, ces données montrent qu’il n’y a pas de différence significative entre l’incidence annuelle observée dans la préfecture de Fukushima et celles estimées sur la base d’un dépistage systématique dans des préfectures non touchées par les retombées de l’accident de Fukushima.

 

  • Deuxième campagne de dépistage des cancers de la thyroïde (Avril 2014 - Avril 2016)

Selon des données provisoires auprès des 236 595 enfants qui se sont présentés pour bénéficier d’un bilan thyroïdien au 31 décembres 2015, l’incidence annuelle du cancer de la thyroïde chez les enfants âgés de moins de 18 ans serait comprise entre 4 et 14 pour 100 000.

 

Aucun élément ne permet d’affirmer à ce jour s’il y aura ou non une augmentation des cancers thyroïdiens chez les enfants de la préfecture de Fukushima. Ce n’est que si l’incidence annuelle du cancer de la thyroïde augmente à partir de la période 2016-2018 (ou au cours des périodes suivantes) qu’un lien avec l’accident de Fukushima pourra être évoqué. 

Point presse IRSN du 11 février 2016 : Les cancers de la thyroïde après l'accident de Fukushima

Jean-René Jourdain, adjoint à la directrice de la protection de l'homme de l'IRSN.

 

Suivi des personnes évacuées

 

Environ 210 000 personnes évacuées dans les semaines qui ont suivi l’accident sont conviées une fois par an pour un bilan médical approfondi. Le dernier rapport daté du 31 décembre 2015 montre que plus le temps s’écoule depuis l’accident, moins les personnes se présentent pour leur bilan médical. 

 

Les observations tirées des bilans de santé réalisés montrent également une tendance globale à l’amélioration de l’état de santé physique des personnes évacuées, très probablement liée à une amélioration de leurs conditions de vie, lesquelles s’étaient dégradées dans les premiers mois qui ont suivi l’accident.

 

S’agissant de l’évaluation des conséquences psychologiques de l’accident, 4 386 personnes (473 enfants et 3 913 adultes) ont bénéficié d’un soutien téléphonique. Chez les enfants, les problèmes étaient principalement : des émotions exacerbées, un caractère irritable, des problèmes relationnels avec leurs amis, un comportement de rébellion. Chez les adultes, un syndrome dépressif était le principal problème évoqué lors des entretiens téléphoniques.

 

Suivi des femmes enceintes au moment de l’accident et leurs enfants

 

Cette étude porte d’une part, sur le suivi d’environ 20 000 femmes se trouvant dans la préfecture de Fukushima et ayant déclaré une grossesse à partir du 1er août 2010, et d’autre part, sur le suivi des éventuelles anomalies génétiques et congénitales chez les enfants nés de ces femmes. 

 

Selon la dernière mise à jour de l’étude réalisée en février 2015, les principaux enseignements sont les suivants :

  • le taux de fausses couches n’a pas connu d’évolution significative ;
  • le taux de naissances prématurées, après avoir augmenté entre 2011 et 2012, a baissé en 2013. Il n’est pas significativement différent de celui observé au Japon ;
  • le taux de malformations à la naissance diminue très légèrement depuis août 2010. Il est comparable à la moyenne nationale japonaise qui est comprise entre 3% et 5%.

 

Sur la période 2013/2014, 1 101 femmes ont exprimé le souhait d’un soutien psychologique par téléphone ou dans le cadre d’une consultation. La raison invoquée était liée à des symptômes dépressifs pour 67,5% d’entre elles et à la peur des conséquences de la radioactivité sur leur grossesse pour 17,1​% d’entre elles. Ces pourcentages étaient en diminution par rapport à ceux observés sur les périodes 2011/2012 et 2012/2013.

 

Télécharger la note Bilan des études épidémiologiques conduites sur les habitants de la préfecture de Fukushima – Point de situation en mars 2016 (PDF)

 

Situation des travailleurs impliqués dans les opérations menées à la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi

 

Doses reçues par les travailleurs et effets observés

 

Les principales informations disponibles concernant les travailleurs impliqués dans les opérations menées à la centrale de Fukushima Daiichi sont celles fournies par l’exploitant des installations Tepco. ​

 

Le dernier bilan mensuel publié le 29 février 2016 concerne 4 687 salariés de Tepco et 41 803 salariés des sociétés sous-contractantes ayant travaillé à la centrale de Fukushima Daiichi. Concrètement, la dose moyenne reçue entre le 11 mars 2011 et le 31 janvier 2016 est de :

  • 22,44 mSv pour les salariés de Tepco​, soit une légère diminution de 0,67 mSv par rapport au bilan publié en février 2015 ;
  • 11,61 mSv pour les salariés des sociétés sous-contractantes, soit une augmentation de 0,76 mSv par rapport au bilan publié en février 2015.

 

La dose maximale enregistrée est de 678,80 mSv pour un travailleur de Tepco ; 6 travailleurs ont reçu depuis l’accident une dose totale supérieure à la limite de 250 mSv fixée par ordonnance au plus fort de l’accident.

 

Par ailleurs, le nombre total de travailleurs ayant reçu une dose supérieure à 100 mSv (dose limite d’exposition pour une situation d’urgence) n’a pas évolué depuis avril 2012 (150 travailleurs de Tepco et 24 sous-contractants).

 

A ce jour, au moins dix décès de travailleurs ont été enregistrés, parmi lesquels aucun n’est attribuable à une exposition aux rayonnements ionisants selon les indications des autorités japonaises.

 

Il est à noter que peu d’études concernent l’exposition des travailleurs intervenus dans la gestion de la catastrophe sans pour autant intervenir sur la centrale de Fukushima (pompiers, policiers, employés municipaux, agents de la sécurité civile).

 

Le Comité scientifique de l'ONU sur les conséquences des émissions radioactives (UNSCEAR) a publié un rapport à ce sujet en 2014 mais les informations sont très éparses et peu précises. Par ailleurs, une étude publiée en 2014 présente les résultats de la surveillance mise en place sur 101 employés de l'hôpital général municipal de Minamisoma (localisé à 25 km au nord de la centrale).

 

Indemnisation des travailleurs

 

En octobre 2015, un ancien salarié de Tepco a obtenu une compensation financière. Selon un texte gouvernemental de 1976, tout travailleur exposé à une dose annuelle égale ou supérieure à 5 mSv et développant une leucémie au cours de la première année suivant son affectation à des travaux susceptibles de l’exposer à des rayonnements ionisants, doit recevoir une compensation financière en préjudice des dommages subis.

 

Selon le ministère de la santé japonais, 8 travailleurs de la centrale de Fukushima ont déposé depuis 2011 des demandes d’indemnisation en évoquant des pathologies qu’ils affirmaient être attribuables à une exposition aux rayonnements ionisants. Parmi ces 8 demandes, 3 ont été rejetées et 1 a finalement été retirée par le travailleur. Les autres demandes seraient actuellement toujours en cours d’instruction.

 

Suivi sanitaire

 

Chaque travailleur, y compris ceux qui ne sont plus engagés dans les opérations en cours à la centrale de Fukushima Daiichi, bénéficie d’un bilan médical de base. A notre connaissance, aucun bilan précis et complet de ce suivi sanitaire n’a été publié à ce jour, ni par les autorités japonaises, ni par Tepco ou ses sociétés sous-contractantes.

 

En 2015, l’Agence internationale de l’énergie atomique a indiqué que Tepco a effectué des examens échographiques de la thyroïde. Les résultats ont montré qu’il n'y avait pas de différence significative entre les 672 travailleurs ayant reçu une dose équivalente à la thyroïde supérieure à 100 mSv en 2011 et les 1 437 autres travailleurs ayant reçu des doses plus faibles.

 

Informations recueillies suite à la publication des rapports de l’OMS et de l’UNSCEAR

 

L’UNSCEAR a confirmé dans son rapport publié en 2014 qu’aucun syndrome aigu d’irradiation n’avait été observé, ni était attendu compte tenu que les doses reçues par les travailleurs les plus exposés sont toujours restées inférieures aux seuils d’apparition de tels effets.

 

L’UNSCEAR a également évalué  les risques à long terme pour la santé des travailleurs. Ses conclusions globalement concordantes avec celles de l’Organisation Mondiale de la Santé (OMS) publiées en février 2013 :

  • L’augmentation du risque de cancer est faible pour les 174 travailleurs ayant reçu plus de 100 mSv. Entre 2 et 3 cas de cancers additionnels pourraient survenir en plus des 70 cancers environ attendus en l’absence d’exposition. Chez ces mêmes individus, 1 cas de leucémie pourrait être induit par l’exposition.
  • Il est peu probable qu’une possible augmentation de l’incidence du cancer radio-induit soit détectable pour les 2 000 travailleurs environ qui ont reçu une dose à la thyroïde supérieure à 100 mGy. Il n’est par contre pas exclu que soient observés des cas d’hypothyroïdie (diminution de la fonction thyroïdienne).
  • Pour les travailleurs ayant reçu les doses efficaces les plus élevées, la probabilité d’un excès de maladies circulatoires existe, au moins théoriquement selon les connaissances scientifiques actuelles, mais reste très faible.
  • Les données ne sont pas suffisantes sur le plan statistique pour pouvoir se prononcer quant à une possible augmentation de l’incidence de la cataracte.
  • ll existe des risques de troubles de stress post-traumatique. Une enquête menée 2 à 3 mois après l’accident a d’ailleurs révélé l’apparition de tels troubles chez certains travailleurs.​

 

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