Savoir et comprendre

L’Ukraine, un pays fortement nucléarisé

04/08/2023

 

7ème producteur mondial d’électricité nucléaire, l’Ukraine compte, sur un territoire un peu plus vaste que la France, quinze réacteurs VVER à eau sous pression de conception russe, répartis sur quatre sites de production en activité le 24 février 2022.

S’ajoutent à ces centrales de production :

  • deux réacteurs de recherche ;
  • six sites d’entreposage et de stockage de sources radioactives et de déchets ;
  • quatre réacteurs RBMK du site de Tchernobyl, à l’arrêt depuis l’année 2000 : trois en démantèlement, un sous sarcophage (réacteur accidenté) ;
  • diverses installations nécessaires à la gestion du site accidenté de Tchernobyl, notamment une piscine d’entreposage de 20 000 assemblages de combustible usé et un parc d’entreposage à sec de 2 000 assemblages usés.
Carte des principales installations nucléaires en Ukraine (2023)
Carte de situation des installations nucléaires majeures d'Ukraine. © IRSN.

Des centrales robustes et résilientes

De conception différente de ceux de Tchernobyl, les réacteurs des quatre centrales de production ukrainiennes répondent aux standards internationaux de sûreté nucléaire. Chacun a été équipé dès l’origine :

  • d’une enceinte de confinement en béton précontraint (sauf pour deux réacteurs de Rivne [1]) qui abrite également la piscine de désactivation du combustible usé ;
  • de trois groupes électrogènes de secours indépendants, disposant d’une autonomie de carburant de sept jours. Un seul groupe électrogène associé à un ensemble de systèmes de sûreté est capable d’assurer le refroidissement des combustibles d’un réacteur et de sa piscine.

En outre, l’Ukraine a renforcé la sûreté de ses centrales à la suite de tests de résistance (stress tests) européens réalisés après l’accident de la centrale de Fukushima-Daiichi (Japon, 2011). Chaque centrale dispose notamment d‘équipements mobiles de secours, permettant de faire face à la défaillance totale des alimentations électriques internes et externes (pompes thermiques mobiles d’injection d’eau, groupes électrogènes mobiles, avec une autonomie de carburant de trois jours).

Le pays a également initié le déploiement d’un dispositif d’éventage-filtration sur ses réacteurs, qui limite, en cas d’accident grave, le rejet des éléments radioactifs en suspension dans l’enceinte de confinement. D’autres dispositions, telles que des recombineurs d’hydrogène, ont été installées pour limiter le risque de perte d’intégrité de l’enceinte de confinement.

Le site de Tchernobyl

  • Les réacteurs

Les réacteurs 1, 2 et 3 du site de Tchernobyl ont été arrêtés depuis plus de 20 ans. L’ensemble des assemblages combustibles de ces réacteurs du site a été transféré dans l’installation d’entreposage du site. Il n’existe donc pas de risque de rejets en provenance de ces installations qui ne sont pas secourues par des diesels.

Le réacteur n°4, accidenté en 1986, a d’abord été recouvert dans l’urgence par un sarcophage provisoire. Les incertitudes sur la tenue structurelle de ce sarcophage ont conduit à construire une arche de confinement achevée en 2017 (structure de 250 m de large et 160 m de long, pour une hauteur de 100 m). Le sarcophage provisoire est en cours de démantèlement. Le système de ventilation de l’arche est secouru par deux groupes électrogènes dédiés. En cas de perte totale des alimentations électriques, le confinement de l’installation reposerait sur le confinement statique de l’ouvrage. Les opérations de démantèlement du sarcophage du réacteur accidenté ont vraisemblablement été suspendues du fait du conflit, ce confinement devrait donc être suffisant pour éviter des rejets dans l’environnement.

  • L’installation d’entreposage de combustible usé

L’installation comprend une piscine d’entreposage (ISF-1) qui comporte environ 20 000 assemblages et un parc d’entreposage à sec (ISF-2). Les éléments de combustible usé sont progressivement transférés de la piscine au parc d’entreposage à sec.

Piscine d’entreposage sous eau ISF 1
Les systèmes de sûreté de cette installation sont secourus par deux diesels qui disposent d’une autonomie en carburant de 48 heures. Les études réalisées après l’accident de la centrale de Fukushima Daiichi sur les conséquences d’une perte totale du refroidissement de la piscine montrent une montée lente en température de l’eau de la piscine jusqu’à une température de l’ordre de 60°C mais pas de dénoyage des assemblages et donc pas de rejet radioactif dans l’environnement.

Installation d’entreposage à sec ISF 2
A ce jour, environ 2 000 assemblages auraient été transférés de l’ISF-1 à l’ISF-2.

Cette installation ne présente pas de risque en cas de perte totale des sources électriques, l’évacuation de la puissance des assemblages combustibles étant complètement assurée de manière passive.

  • Quels risques en cas de perte des systèmes de contrôle commande des installation ?

Si la perte de l’alimentation électrique sur le site de Tchernobyl n’a pas de conséquences susceptibles de conduire à des rejets dans l’environnement, elle induit la perte du contrôle commande des installations. Ainsi, l’ensemble des données techniques qui permet la surveillance en temps réel des installations (niveau d’eau, température, radioactivité…), ainsi que le système d’alarme, ne sont plus disponibles, ce qui pourrait retarder les actions du personnel en cas d’événement sur une installation.

La perte d’alimentation électrique conduirait également à la perte de l’éclairage, du chauffage et de certains moyens de communication entraînant la dégradation des conditions de travail de personnel.

Une longue tradition de coopération entre l'IRSN et l'Ukraine

La sûreté des centrales nucléaires ukrainiennes, toutes exploitées par la compagnie nationale de production d’énergie nucléaire d’Ukraine Energoatom, est contrôlée par l’autorité de sûreté nucléaire SNRIU (State Nuclear Regulatory Inspectorate of Ukraine).

Après l’accident de Tchernobyl, l’IRSN a noué des relations de coopération avec SNRIU, dans le cadre du programme européen ICSN (Instrument pour la Coopération en Sûreté Nucléaire) au travers de contrats d’assistance et de transfert de compétences dans le domaine de la sûreté nucléaire et de la radioprotection. Ces coopérations, notamment dans le cadre de la réalisation des stress-tests post-Fukushima et dans celui du projet européen FASNET, piloté par l’IRSN, de préparation et de réponse rapide aux urgences nucléaires au niveau international, ont permis à l’Institut d’acquérir des connaissances et des données sur les réacteurs VVER est-européens. Par ailleurs, l’Institut intègre dans ses effectifs des experts de nationalité ukrainienne.

SSTC, l’organisme technique de sûreté (TSO) de SNRIU, est depuis 2010 membre associé du réseau ETSON des TSO européens créé à l’initiative de l’IRSN pour contribuer à la construction européenne en matière de sûreté.


Notes:

  1. La centrale de Rivne comprend deux réacteurs de 440 MWe, plus anciens que les autres réacteurs VVER implantés sur le territoire ukrainien.