Savoir et comprendre
Résumé
La situation en 2015
28/03/2015
Etat des installations
L’année 2014 a vu l’aboutissement d’une étape majeure dans la reprise du contrôle des installations : le retrait des assemblages de combustible de la piscine du réacteur n°4, la plus chargée en combustibles. En 2015 a débuté le retrait des assemblages de combustible de la piscine du réacteur n°3.
De manière générale, compte tenu des dégradations très importantes subies par les barrières de confinement des matières radioactives, des rejets diffus se poursuivent dans l’atmosphère, de même que dans le sol et donc les eaux souterraines. TEPCO poursuit ses actions en vue de maîtriser ces rejets, notamment, en regard des rejets gazeux, en recouvrant les bâtiments des réacteurs et en maîtrisant la pression dans les enceintes de confinement. Ainsi, les travaux de couverture du bâtiment du réacteur n°3, le plus dégradé par les explosions, sont en cours.
Pour éviter que les eaux souterraines polluées parviennent dans l’océan, Tepco a mis en place un écran d’étanchéité côté océan et des pompages d’eau de nappe entre les stations de pompage des différents réacteurs. Ces dispositifs locaux ont été complétés par une barrière d’étanchéité (« mur ») en bordure d’océan, d’environ 900 m de long, afin d’intercepter les écoulements souterrains en aval de l’ensemble du site. Les travaux sont quasiment terminés et le dispositif pourrait être opérationnel en 2015.
Les derniers mois de l'année 2014 ont vu le déploiement par TEPCO d'importants moyens complémentaires de traitement des eaux contaminées. L’objectif est, à compter de mai 2015, de n’entreposer que de l’eau ayant fait l’objet d’un traitement complet et donc ne contenant quasiment plus que du tritium – seul radionucléide pour lequel il n’existe pas de moyen industriel afin de l’extraire de l’eau.
Le traitement des eaux n’est qu’une première étape. Tepco doit obtenir les autorisations pour le rejet des eaux traitées, contenant encore une radioactivité résiduelle. En attendant, des volumes d’eau sans cesse croissants (environ 600 000 m3 à ce jour) sont entreposés sur le site. A noter que Tepco a rencontré de nombreux problèmes d’étanchéité, d’importance variable, sur les équipements d’entreposage des eaux radioactives.
Télécharger le point de situation de mars 2015 sur l'état des installations
Conséquences sanitaires de l’accident
Surveillance sanitaire des populations
L’Université médicale de Fukushima (FMU) coordonne un vaste programme de suivi médical des habitants de la préfecture de Fukushima. Il repose sur quatre études épidémiologiques d’une durée de 30 ans.
Enquête de base à destination de tous les habitants de la préfecture de Fukushima
Selon le dernier bilan réalisé au 31 décembre 2014, 554 241 personnes parmi les 2 055 383 habitants de la préfecture de Fukushima avaient répondu au questionnaire depuis que celui-ci a commencé à être distribué. Parmi les 448 948 résidents de la préfecture de Fukushima (hors travailleurs de la centrale) pour lesquels une dose externe a été estimée, 279 118 personnes (soit 62,2% des personnes évaluées) auraient reçu au cours des 4 premiers mois après l’accident des doses externes inférieures à 1 mSv et 12 personnes (soit moins de 0,003% des personnes évaluées) auraient reçu des doses supérieures à 15 mSv. La dose externe maximale reçue est estimée à 25 mSv. Aucune évolution significative dans le temps de ces statistiques n’est observée.
Suivi de la fonction thyroïdienne des enfants exposés aux rejets radioactifs
Afin d’évaluer la fonction thyroïdienne des enfants exposés aux rejets radioactifs, l’Université médicale de Fukushima a débuté une vaste campagne de dépistage du cancer de la thyroïde auprès des 360 000 enfants présents dans la préfecture de Fukushima au moment de l’accident.
Au cours de la première campagne de dépistage (avril 2011 - avril 2014) auprès de 298 577 enfants ayant répondu à la convocation pour une échographie thyroïdienne, 86 cas de cancers de la thyroïde ont été diagnostiqués et 23 enfants font l’objet d’un suivi particulier afin d’observer l’évolution des résultats des examens complémentaires jugés douteux.
Dans le cadre de la deuxième campagne de dépistage (avril 2014 - avril 2016), 106 068 enfants se sont présentés pour bénéficier d’un bilan thyroïdien. Au 31 décembre 2014, le bilan thyroïdien a été interprété pour 75 311 enfants et 611 enfants ont été identifiés comme devant bénéficier d’examens complémentaires. Il est à ce stade beaucoup trop prématuré pour se prononcer sur la significativité des chiffres mentionnés pour la deuxième campagne de dépistage. Aucun élément ne permet d’affirmer à ce jour s’il y aura ou non une augmentation des cancers thyroïdiens chez les enfants de la préfecture de Fukushima.
Suivi des personnes évacuées
Environ 210 000 personnes évacuées dans les semaines qui ont suivi l’accident sont conviées une fois par an pour un bilan médical approfondi. Un rapport produit par l’Université médicale de Fukushima le 25 décembre 2014 montre que plus de temps s’écoule depuis l’accident, moins les personnes se présentent pour leur bilan médical. Cette évolution semble dénoter une moindre inquiétude des personnes évacuées qui semblent se sentir de moins en moins concernées par les éventuelles conséquences sur leur santé des expositions qu’elles auraient subies au moment de l’accident. Les observations tirées de ces bilans de santé réalisés depuis 2011 montrent également une tendance globale à l’amélioration de l’état de santé physique des personnes évacuées, très probablement liée à une amélioration de leur hygiène de vie.
Surveillance sanitaire des travailleurs
Les seules informations disponibles à ce jour quant aux doses reçues par les travailleurs impliqués dans les opérations menées à la centrale de Fukushima Daiichi sont celles fournies par l’exploitant du site TEPCO qui publie un bilan mensuel depuis le mois d’avril 2011. Ces informations ne concernent que les employés de TEPCO ainsi que ceux des sociétés sous-contractantes.
La dose moyenne reçue entre le 11 mars 2011 et le 31 décembre 2014 par ces travailleurs est de 23,11 mSv pour les salariés de TEPCO et de 10,85 mSv pour les salariés des sociétés sous-contractantes, soit en légère diminution par rapport au bilan publié en février 2014 (-0,5 mSv pour les travailleurs TEPCO et -0,11 mSv pour les salariés des sociétés sous-contractantes). A ce jour, neuf décès de travailleurs ont été enregistrés, parmi lesquels aucun n’est attribuable à une exposition aux rayonnements ionisants, selon les indications des autorités japonaises.
Chaque travailleur, y compris ceux qui ne sont plus engagés dans les opérations en cours à la centrale de Fukushima Daiichi, bénéficie d’un bilan médical de base comprenant des examens ophtalmologique, auditif, pulmonaire, cardiovasculaire, digestif, ainsi que des analyses biologiques et une évaluation de son état psychologique et psychiatrique. A notre connaissance, aucun bilan précis et complet de ce suivi sanitaire n’a été publié à ce jour, ni par les autorités japonaises, ni par TEPCO ou ses sociétés sous-contractantes.
Le Comité scientifique de l'ONU sur les conséquences des émissions radioactives (UNSCEAR) a confirmé dans son rapport publié en 2014 qu’aucun syndrome aigu d’irradiation n’avait été observé à court terme, ni était attendu compte tenu que les doses reçues par les travailleurs les plus exposés sont toujours restées inférieures aux seuils d’apparition de tels effets.
Impact environnemental de l’accident
Contamination de l'air
Le devenir du césium 134 et du césium 137 déposées sur les territoires et des débits de dose dans l’air qui en résultent sont des éléments déterminants pour guider les stratégies de gestion des populations, notamment le retour des habitants dans les zones évacuées, et les stratégies de décontamination. L’évolution de la situation radiologique a été caractérisée au travers de multiples campagnes de mesures du débit de dose dans l’air : des mesures par avion ou hélicoptère, des mesures lors de trajets routiers, et des mesures ponctuelles in situ à l’aide de détecteurs statiques ou mobiles. Toutes ces campagnes de mesures fournissent des résultats complémentaires et globalement convergents qui attestent d’une nette diminution du débit de dose dans l’air extérieur.
La remise en suspension par le vent et l'incinération de bois ou de végétaux entretiennent la persistance d'une contamination de l'air en césium. Néanmoins, la dose par inhalation susceptible de résulter de ces particules appelées « aérosols » est tout à fait négligeable, notamment au regard de la dose potentiellement liée à l'ingestion de denrées.
Télécharger la note de mars 2015 : Concentrations en césium dans l'air
Contamination des écosystèmes
L'accident à la centrale de Fukushima a contaminé en césium 134 et en césium 137, de vastes étendues forestières représentant 75% du territoire contaminé, principalement des forêts d'arbres à feuilles persistantes de type conifère.
La contamination des espaces forestiers dans la durée et les risques de contamination des écosystèmes voisins est étudié dans le cadre du programme de recherche Amorad (Amélioration des modèles de prévision de la dispersion et d'évaluation de l'impact des radionucléides au sein de l'environnement). Selon les premiers résultats de la campagne de 2013 effectuées sur le cèdre, il existe une différence de répartition du stock de césium entre les aiguilles anciennes, directement contaminées par le panache de 2011, et les aiguilles nouvelles. Si on prend l'hypothèse que le renouvellement complet des aiguilles est de 3 ans pour le cèdre, cet écart ne perdura pas au-delà de 2013.
Télécharger la note de mars 2015 : Étude du devenir du césium en milieu forestier
Une équipe de chercheurs japonais a identifié une augmentation des anomalies sur des pins situés en zone contaminée, des faits déjà observés après l’accident de Tchernobyl (lire la publication scientifique). L’IRSN comme les auteurs restent néanmoins prudents quant au lien de causalité avec le niveau de radioactivité ambiant.
Lire la note de lecture de l'IRSN de Novembre 2015 : Analyse d’une étude ayant mis en évidence des défauts morphologiques sur des populations de pins japonais autour de la centrale de Fukushima
Diverses études dédiées aux conséquences des accidents nucléaires sur la faune et la flore rapportent des effets notables pour des débits de dose estimés si faibles que leurs conclusions remettent en cause les connaissances en radiobiologie (lire la publication scientifique).
La préfecture de Fukushima présente un réseau hydrographique très dense, avec de nombreux petits fleuves côtiers qui se jettent dans l’océan Pacifique au nord de la centrale de Fukushima Daiichi, et le fleuve de l’Abukuma qui traverse la ville de Fukushima et rejoint, un peu plus au nord encore, également le Pacifique.
Bien que modérés, les niveaux de césium (134 et/ou 137) dans les cours d’eau de la préfecture de Fukushima restaient, à l'automne 2013, jusqu'à 1 000 fois supérieurs à ceux enregistrés dans les eaux filtrées du Rhône aval (fleuve le plus nucléarisé de France). Quant aux matières en suspension, elles présentent des activités jusqu'à 100 000 fois plus élevées que celles des particules en transit dans le Rhône aval.
Télécharger la note de mars 2015 : Études des flux de césium dans les cours d’eau
Impact sur le milieu marin
La centrale de Fukushima est située sur la côte de l'océan Pacifique, à proximité de la zone d'interaction de deux courants, qui entraînent des courants giratoires variables. Ces courants sont déterminants pour la dispersion de la pollution radioactive à moyen et long terme.
Les rejets en mer continuent depuis le site de la centrale nucléaire de Fukushima Daiichi et l'ensemble du Pacifique Nord est maintenant marqué par le césium 137 jusqu'à environ 500 mètres de profondeur. Les outils de modélisation ne permettent pas de s'affranchir des mesures sur des prélèvements en mer pour estimer la dispersion de la contamination.
Les espèces marines sont encore parfois contaminées en radiocésium à un niveau qui dépasse la limite fixée par les autorités sanitaires japonaises (100 Bq.kg-1), essentiellement dans la préfecture de Fukushima, comme indiqué dans le rapport de l'Agence des Pêches Japonaises. Dans ce contexte, il est important que les mesures de contrôle des produits de la pêche soient maintenues dans la région de Fukushima.
Impacts pour la population
La dose externe individuelle effectivement reçue par les personnes ne peut pas être directement déduite des mesures de débit de dose effectuées dans l’air à l’extérieur. En effet, une personne passe une grande partie de son temps à l’intérieur de constructions dans lesquelles le débit de dose est plus faible qu’à l’extérieur.
Des suivis dosimétriques individuels sont effectués depuis fin 2011 sur des dizaines de milliers de personnes, en particulier à Date (à 70 km de la centrale), Koriyama (60 km) et Fukushima-ville (70 km). Pour la ville de Date, sur la période de juillet 2013 à juin 2014, les relevés montrent que 75 % de la population a reçu une dose inférieure à 1 mSv/an, 22 % une doise comprise entre 1 et 2 mSv/an, et 2 % une dose comprise entre 2 et 3 mSv.
Télécharger la note de mars 2015 : Doses externes individuelles
La diminution du débit de dose dans l'air extérieur et les mesures individuelles, qui attestent que la dose externe effectivement reçue par les personnes est de l'ordre de 4 à 10 fois plus faible que celle dans l'air extérieur, ont permis dès 2012 aux autorités japonaises d'envisager le retour des populations dans certaines zones évacuées.
Une fois l'ordre d'évacuation levé, le retour effectif de la population et les intentions même de retour sont très variables d'une localité à l'autre. Si la santé reste la préoccupation principale des habitants qui se posent la question du retour, les raisons financières, liées à l'emploi et la vie sociale, viennent immédiatement après. Fin 2014, suite à la levée en avril et octobre des ordres d'évacuation d'une partie des communes de Tamura et Kawauchi respectivement, la moitié des populations concernées était revenue chez elles.
L’autre voie d’atteinte radiologique de la population est l’ingestion de denrées contaminées. Depuis mars 2011, le Ministère de la Santé et du travail japonais a régulièrement publié sur son site Internet les résultats de mesure de contamination des denrées alimentaires produites au Japon.
Les niveaux les plus importants ont été atteints immédiatement après les dépôts radioactifs et n’ont concerné que les quelques cultures maraichères en cours de production à cette période hivernale. A partir de 2012 et à de rares exceptions près, les dépassements de la nouvelle norme de commercialisation japonaise de 100 Bq/kg n’ont plus concerné que les denrées sauvages (gibiers, champignons saisonniers), les denrées issues de végétaux qui avaient des feuilles au moment des retombées radioactives et quelques échantillons de denrées agricoles cultivées dans les localités situées en périphérie de la zone évacuée. En 2014, plus des 96% des échantillons de denrées végétales produites dans la préfecture de Fukushima avaient une teneur inférieure à la norme de 100 Bq/kg.
Télécharger la note de mars 2015 : Contamination des denrées alimentaires
Les doses internes résultant de la consommation de denrées ont été limitées en raison de la contamination modérée des produits issus de l'agriculture et de l'élevage, mais aussi grâce à l'évacuation des territoires les plus touchés et aux interdictions de consommation.
Télécharger la note de mars 2015 : Doses potentiellement dues à l'ingestion de denrées contaminées
Décontamination et gestion des déchets
L’État japonais a promulgué en août 2011 une loi définissant les dispositions relatives à la gestion des déchets issus de la contamination par les rejets de l’accident. Elle distingue deux zones dans lesquelles les responsabilités sont différemment distribuées :
- la zone dite « special decontamination area », la plus proche de la centrale de Fukushima Daiichi et la plus touchée par la contamination, correspond approximativement à la zone évacuée à la suite de l’accident ;
- la zone dite « intensive contamination survey area » correspond aux territoires non évacués mais dont l’ambiance dosimétrique initiale était estimée conduire à une exposition supérieure à 1mSv/an.
Une dizaine de plans de décontamination ont été élaborés par le Ministère de l’Environnement dans la zone dite « special decontamination area ». A fin 2014, quatre municipalités dont les territoires se trouvent pour partie dans cette zone ont terminé leurs opérations de décontamination.
Différentes actions pour réduire le débit de dose dans l’air ont été menées en zone non évacuées et se poursuivent en zone évacuée là où se prépare le retour des populations. Elles consistent à retirer une partie du césium fixé en retirant les premiers centimètres de terre, en coupant une partie de la végétation ou en nettoyant et décapant les surfaces artificielles. L’efficacité de la décontamination est variable suivant le type d’environnement et le débit de dose initial : plus il est élevé plus la réduction apportée par les actions de décontamination sera importante. Des taux de réduction moyens compris entre 20 et 50% sont régulièrement rapportés des opérations menées sur différentes localités.
Les volumes de déchets liés à la décontamination sont estimés entre 28 à 55 millions de m3. Ils sont répartis dans de petits entreposages sur les sites de décontamination, dans des entreposages municipaux de tailles très variables et de technologies diverses, dans l’attente d’une évacuation vers une filière dédiée, d’un traitement ou d’une solution définitive de stockage.
Télécharger la note d'information de Mars 2015 sur la décontamination et la gestion des déchets
Télécharger la note d'information de Mars 2015 sur les travaux de décontamination