Savoir et comprendre

Réseaux d’épuration : les risques des rejets hospitaliers

20/03/2015

​Les activités diagnostiques, thérapeutiques et de recherche des établissements de santé rejettent des radionucléides à vie courte.

 

Echantillons d'eaux usées prélevés en aval de centres hospitaliers

 

« Les rejets des services de médecine nucléaire se limitant à des radioéléments à vie courte, ils ont été très tôt jugés sans risque. Peu d’études détaillées étaient menées à ce sujet. Les choses ont changé ces dernières années », constate Alain Rannou, expert en radioprotection à l’IRSN.

 

Comme tous les producteurs de déchets radioactifs, les établissements de santé qui utilisent des sources de rayonnements ionisants doivent gérer leurs rejets selon les meilleures règles de sûreté et de radioprotection. S’agissant des effluents liquides, seuls ceux contenant des éléments de période radioactive inférieure à 100 jours peuvent être rejetés dans les égouts. Cela limite en théorie la présence d’activité dans les réseaux d’eaux usées, donc dans les cours d’eau. 

 

« Au-delà des effluents hospitaliers autorisés, une partie des rejets provient des patients traités en ambulatoire ou des sanitaires des services hospitaliers échappant aux circuits spécifiques », analyse Erwan Manach, ingénieur en télémesure dans l’environnement.

 

La convention de déversement



Les quantités de radionucléides qu'un établissement de santé est autorisé à déverser à l'égout sont stipulées dans une convention de déversement. Elles doivent être définies comme le maximum des quantités annuelles qui pourront être déversées dans le réseau. Pour les services de médecine nucléaire, ces quantités reposent sur le maximum des quantités pouvant être administrées aux patients et donc potentiellement déversés.

 

A partir de ces données, il est possible d'estimer les doses susceptibles d'être reçues par les personnels intervenant dans les réseaux d'assainissement et les stations d'épuration.

 

Un impact sanitaire insignifiant

 

Les mesures réalisées depuis 20 ans par l’IRSN mettent en évidence la présence quasi systématique d’iode 131 et de technétium 99 métastable dans les stations d’épuration des grandes agglomérations.

 

L’iode 131, dont la période est de huit jours, et le technétium 99 métastable (six heures), représentent 90 % des rejets. On trouve en faibles proportions d’autres radioéléments comme le thallium 201 (3 jours), l’iode 123 (13 heures) ou l’indium 111 (2,8 jours).

 

L’IRSN a développé des outils de calcul pour évaluer leur impact sanitaire (cf. ci-après). Celui-ci est insignifiant pour la population susceptible d’être contaminée via les différents usages de l’eau. En effet, les éléments à vie courte ne s’accumulent pas dans l’environnement et la dilution est forte entre le point de rejet et l’homme.

 

De l'hôpital au verre d'eau : comment les radionucléides disparaissent

 

Quels risques pour les égoutiers ?

 

La problématique diffère un peu pour les professionnels des réseaux d’assainissement, car les boues d’épuration concentrent la radioactivité, notamment l’iode 131. L’IRSN est régulièrement sollicité à la suite de déversements non autorisés d’effluents hospitaliers. Ces derniers ne sont pas rares du fait du sous-dimensionnement des cuves de décroissance.

 

En 2012 et 2013, l’Institut de cancérologie Gustave Roussy de Villejuif (Val-de-Marne) a déclaré auprès de l’Autorité de Sûreté Nucléaire (ASN), des vidanges volontaires d’effluents où la concentration en iode 131 dépassait la valeur autorisée de 100 Bq/L. L’IRSN a conclu à l’absence de risque pour les agents du réseau d’assainissement.

 

En 2011, une étude menée à Nantes à la demande d’hôpitaux et du gestionnaire du réseau des eaux usées a confirmé des niveaux de contamination faibles. « La dose maximale annuelle reçue par les égoutiers nantais, calculée avec des hypothèses majorantes, s’élève à 0,13 mSv », précise Pascal Bechard, personne compétente en radioprotection au Centre hospitalier universitaire de Nantes. Un chiffre environ 20 fois inférieur à celui de l’exposition moyenne des Français aux rayonnements d’origine naturelle ou à la dose reçue lors de soins médicaux.

 

En juin 2019, l'IRSN a mis en ligne un nouvel outil de calcul pour l'estimation des doses susceptibles d'être reçues par les personnels intervenant dans les réseaux d'assainissement et les stations d'épuration qui peuvent être au contact d'effluents radioactifs déversés par les laboratoires médicaux ou les services de médecine nucléaire.

 

Ce modèle numérique dénommé CIDRRE, pour Calcul d'Impact des Déversements Radioactifs dans les REseaux, permet d'estimer l'impact des déversements de radionucléides sur les travailleurs des réseaux d'assainissement et sur les travailleurs intervenant pour l'épandage des boues résultant du traitement des eaux usées.

 

Aboutissement d'un projet lancé en 2012 à l'initiative de l'Autorité de sûreté nucléaire, CIDRRE est accessible à l'ensemble des acteurs (gestionnaires des réseaux, responsables des activités nucléaires) dans le cadre des autorisations de déversement prévue à l'article L. 1331-10 du code de la santé publique.

 

Le calcul fournit des estimations de dose aux différents postes de travail concernés sur la base d'hypothèses majorantes. Ces résultats pourront être pris en compte par les employeurs des personnels des réseaux dans leur démarche d'évaluation de risque mentionnée à l'article R. 4451-14 du code du travail.

 

La réglementation fixe la limite d'exposition des personnels de 1 millisievert (mSv) par an pour qu'ils n'entrent pas dans des catégories de travailleurs spécialement suivis. Les estimations réalisées pendant les phases de tests de CIDRRE ont révélé des expositions toujours inférieures à la limite  de 1 millisievert (mSv), niveau qui ne présente aucun risque connu pour la santé de ces agents.

 

Consulter l'outil CIDRRE : https://cidrre.irsn.fr

 

Estimer l’exposition des personnels avec CIDDRE : comment ça marche ?



Un service de médecine nucléaire de taille moyenne réalise environ 7 500 actes d’imagerie médicale et de traitement par an. Il en résulte des déversements radioactifs dans les égouts de l’hôpital. Dans les réseaux d’assainissement, du personnel est en contact avec ces radionucléides. Avec CIDRRE, leur exposition est mieux connue.



Estimer l’exposition des personnels avec CIDDRE : comment ça marche ?