Savoir et comprendre
Résumé
Un laboratoire fixe de traitement et d'analyse des échantillons environnementaux
02/02/2024
En cas d'accident nucléaire, il est essentiel de pouvoir déterminer précisément les niveaux de radioactivité dans l’environnement pour confirmer les modélisations, définir les zonages pour la protection des populations, assurer le dédouanement des denrées et des biens de consommation et informer la population.
Pour répondre à ce besoin, l’IRSN peut mobiliser le LATAC, son laboratoire de traitement et analyse d’échantillons environnementaux en situation post-accidentelle. Dans cette plateforme de haute technologie qui est habituellement employée pour assurer la surveillance permanente de la radioactivité sur l’ensemble du territoire français, l'IRSN a développé des méthodes simplifiées permettant d’évaluer rapidement les niveaux de radioactivité des échantillons environnementaux. Le contexte propre à une situation de crise nécessite en effet de repenser le mode de fonctionnement du laboratoire afin de restituer aux pouvoirs publics dans des délais très courts de nombreux résultats d’analyses tout en maintenant un niveau de performance adapté.
Du terrain au laboratoire
Lors d’un accident nucléaire, l’IRSN projette sur le terrain une cellule mobile qui s’intègre dans le dispositif de l’Etat, en interface notamment avec la sécurité civile. Les laboratoires fixes restent néanmoins nécessaires pour des analyses complémentaires plus poussées, couvrir des zones plus larges et maintenir la surveillance radiologique du territoire national.
Une stratégie de routage et d’analyse des échantillons est ainsi élaborée en concertation entre le Centre technique de crise de l’IRSN, la cellule mobile et les laboratoires en tenant compte des besoins des pouvoirs publics au niveau local et national.
A leur arrivée au LATAC, les prélèvements environnementaux sont contrôlés radiologiquement et vérifiés du point de vue de leur intégrité. Un frottis est également réalisé et analysé pour s’assurer de l’absence de contamination de l’emballage de transport. Chaque échantillon se voit attribuer un identifiant unique pour assurer sa traçabilité.
Analyser les échantillons
Les échantillons prélevés sur le terrain proviennent des différents compartiments de l’environnement dans lesquels une contamination est susceptible d’être observée :
- atmosphérique (filtre aérosols, etc.) ;
- terrestre (sols, végétaux ou denrées alimentaires) ;
- aquatique continental et marin (eaux, sédiments, faune et flore).
En fonction des analyses prévues, les échantillons peuvent être orientés directement en mesure (spectrométrie gamma par exemple) ou faire l’objet d’un traitement (filtration pour les eaux, broyage, séchage voire calcination pour les solides) pour permettre une radiochimie ou une mesure plus performante.
De plus, parce qu’ils arrivent au laboratoire sous une forme qui n’est pas toujours compatible avec les opérations à réaliser, les échantillons peuvent être reconditionnés selon des protocoles spécifiques.
A chaque échantillon sa technique d'analyse :
- Spectrométrie a : Les rayons alpha étant difficiles à mesurer, une radiochimie poussée (durant parfois plusieurs semaines) va être systématiquement réalisée pour isoler le radionucléide d’intérêt, dont l’activité va être ensuite mesurée à l’aide d’un semi-conducteur.
- Scintillation liquide : Le détecteur mesure le rayonnement lumineux émis par un liquide scintillant sous l’influence des électrons issus de la désintégration radioactive. Cette technique peut nécessiter une radiochimie préalable afin d’éviter les interférents lors de la mesure.
- Spectrométrie g : Le détecteur va permettre de mesurer l’énergie et l’intensité des rayons gamma émis par l’échantillon pour déterminer quels sont les radionucléides présents et leur activité. Il s’agit d’une méthode « non-destructive », qui n’altère pas l’échantillon.
- Mesure par ICP-MS : Cette méthode qui ne repose pas sur la radioactivité de l’échantillon mais sur la différence de masse entre les atomes pour en mesurer leur concentration, et ainsi remonter à leur activité. Très performante, elle permet de détecter d’infimes traces de radioactivité.
- Comptage proportionnel : Cette technique permet de déterminer l’activité totale des radionucléides émetteurs α ou β présents dans un échantillon, sans toutefois permettre de les identifier. Elle fournit un indicateur permettant le criblage des échantillons, utilisé dans le contrôle des eaux de consommation par exemple.
Le contrôle des denrées alimentaires
En cas d'accident nucléaire avec des rejets radioactifs dans l'atmosphère, les particules et gaz radioactifs finissent par retomber. Les sols, les végétaux, les animaux et les denrées peuvent alors être contaminés. En ingérant ces éléments, l'homme peut lui aussi être atteint (en savoir plus sur la contamination de la chaîne alimentaire).
Ainsi, pour protéger la population, la réglementation européenne fixe des niveaux maximaux admissibles (NMA) de contamination radioactive à prendre en considération pour les denrées alimentaires et les aliments pour animaux après un accident nucléaire ou dans toute autre situation d'urgence radiologique. Les denrées susceptibles de dépasser les NMA doivent donc être contrôlées préalablement à leur mise sur le marché intérieur ou européen.
Pour faciliter les contrôles, l'IRSN a conçu, en collaboration avec le Laboratoire national Henri Becquerel (CEA/LNHB), le "Tri-Latac", un équipement qui permet le contrôle radiologique des denrées à la suite d’un accident nucléaire. Il intègre des d’algorithmes mathématiques permettant une identification rapide des radionucléides d’intérêt (césium 137, iode 131...) et a été conçu pour un déploiement au plus près des populations.
Comment mesure-t-on la radioactivité dans les échantillons environnementaux ?
Maxime Morin : Chef du Service d’analyses et de métrologie de l’environnement de l’IRSN
Comment mesure-t-on la radioactivité en milieu marin ?
Michaël Petitfrère, Adjoint du Chef du Laboratoire de surveillance de l’environnement par échantillonnage de l’IRSN