Savoir et comprendre
Résumé
Comment faire bon usage des examens d'imagerie ?
21/05/2012
Source : Magazine Repères n°6, Juillet 2010
L’exposition des patients aux rayonnements ionisants liés au diagnostic médical est une question dont se préoccupent l’Institut et l’INVS. À l’occasion de la publication du rapport Expri, traitant de ce sujet et réalisé conjointement par les deux organismes, Bernard Aubert et le Dr Hubert Ducou le Pointe donnent leur avis.
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Bernard Aubert. Responsable de l’unité d’expertise en radioprotection médicale (UEM) à l’IRSN. En 1974, obtient un doctorat en physique radiologique. En 1975, exerce comme physicien médical à l’Institut Gustave-Roussy. En 2003, rejoint l’IRSN. © Noak/Le bar Floréal/IRSN. | | Pr Hubert Ducou le Pointe. Chef du service radiologie à l’hôpital Armand-Trousseau, à Paris, et, depuis 2008, responsable du groupe de travail radioprotection à la Société française de radiologie. © Noak/Le bar Floréal/IRSN. |
L’exposition de la population aux rayonnements ionisants liée aux actes de diagnostic médical augmente en France. La deuxième édition du rapport Expri, parue en mars 2010, réalisée par l’IRSN et l’Institut de veille sanitaire (INVS) le démontre : la dose efficace en 2007 est en augmentation de 57 % par rapport à la dose estimée en 2002. Le sujet fait débat.
Quelle est votre opinion sur le rapport Expri paru en mars 2010 ?
Bernard Aubert : Je considère le rapport Expri comme le point zéro de la photographie de l’exposition médicale diagnostique en France. Le recueil de données telles que la nouvelle codification des actes médicaux [CCAM, classification commune des actes médicaux, ndlr] pour le secteur libéral et les deux enquêtes pour le secteur public ont rendu ce rapport bien plus complet et fiable que le précédent, paru en 2002. Les résultats indiquent la répartition par âge et sexe des actes utilisant des rayonnements ionisants en France. Ce rapport nous offre un niveau de connaissance équivalent, voire supérieur, à de nombreux pays européens qui jusqu’alors nous devançaient.
Pr Hubert Ducou le Pointe : Je ne pense pas que le rapport Expri soit le point zéro des recommandations. C’est une continuité qui s’inscrit dans un désir de justification et d’optimisation des actes médicaux que nous nous efforçons d’améliorer à la Société française de radiologie (SFR). La SFR élabore depuis des années des guides de bon usage et de procédures d’imagerie afin d’informer et de faire évoluer la conscience des professionnels de santé. Ce rapport Expri s’inscrit dans une dynamique nationale qui vise à prendre en charge le patient le plus efficacement possible.
Le rapport définit la dose efficace moyenne à 1,3 millisievert (mSv) par an et par individu en France. Que pensez-vous de ce chiffre ? Faut-il le réduire ?
H. D. : Avoir une valeur chiffrée de la dose d’irradiation moyenne reçue par individu et par an est important, mais ce n’est pas l’essentiel. Un chiffre reste limité, il faut savoir le décoder. Grâce au rapport Expri, nous apprenons que les personnes irradiées à une moyenne de 1,3 mSv sont majoritairement des personnes âgées d’au moins 50 ans et souffrant de pathologies graves. Le risque d’irradiation n’est pas le même que pour un jeune enfant.
En tant que professionnel de santé, le rapport bénéfice/risque prime, et les examens d’imagerie sont dans certains cas de très bons supports de diagnostic, même avec une légère exposition. Savoir justifier un acte d’imagerie, ou même oser le refuser, permet d’utiliser à bon escient les rayonnements ionisants et d’en maîtriser les risques.
B. A. : Effectivement, la dose moyenne de 1,3 mSv ne signifie pas grand-chose par elle-même. Elle permet de nous comparer avec les autres pays tout en ajoutant un bémol puisque certaines données de pays européens datent de 2002, voire de 1995 ; il est donc difficile de tirer des conclusions sur des valeurs obtenues à différentes périodes dans des conditions inégales.
Il faut s’intéresser en priorité à la justification des actes puis à l’optimisation de cette dose. La réduire n’est pas un but en soi. Il est indispensable de l’utiliser à bon escient, et le faire de façon optimale. De nouveaux protocoles d’utilisation des rayonnements pour le patient font leur apparition en termes de justification et d’optimisation. Ce n’est donc pas une réduction de la dose que nous devons recommander, mais sa justification et son optimisation.
Les fabricants d’appareillage d’imagerie peuvent-ils favoriser une optimisation de la dose efficace ?
H. D. : Ils jouent un rôle important dans la maîtrise et le contrôle des appareillages. Depuis trois ans, grâce aux discussions avec les professionnels de santé et à l’évolution de la réglementation, ils ont compris que l’optimisation des doses est importante. Par exemple, le contrôle de qualité des installations et les informations dosimétriques. Des efforts ont déjà été obtenus sur les installations récentes avec l’intégration de chambres d’ionisation permettant de vérifier la dose de rayonnements ionisants reçue par le patient. Mais c’est insuffisant. Il faudrait, comme pour le scanner, une norme internationale pour exprimer cette dose.
B. A. : Les fabricants ont pris conscience que la dose est un élément important et préoccupant pour le monde médical. À force de pressions exercées par des organismes tels que la FDA, l’administration américaine des denrées alimentaires et des médicaments, les mentalités des industriels devraient commencer à se focaliser sur une normalisation des appareillages.
Comment doit-on informer le patient sur les bénéfices et les risques des rayonnements ionisants ?
B. A. : Depuis un arrêté du 22 septembre 2006, tous les examens d’imagerie de la tête et du thorax doivent entraîner un report de l’information dosimétrique sur le compte rendu d’examen. Le futur dossier médical personnel devrait contenir ce renseignement. Le médecin dispose ainsi du suivi précis de l’information dosimétrique du patient. C’est là que l’éducation de ce dernier prend toute son importance. Le médecin devra, en fonction du passé du patient et de sa pathologie, justifier un nouvel acte d’imagerie ionisante. C’est dans ce souci que l’IRSN s’engage dans une action d’information des personnes concernées par les pratiques diagnostiques en travaillant avec des associations.
H. D. : Éduquer sur les bénéfices et les risques inhérents aux examens utilisant des rayonnements est essentiel. La SFR va prochainement proposer gratuitement sur son site le téléchargement d’une fiche d’information sur les examens d’imagerie et la radioprotection. Mais pour que nous ayons un discours en adéquation avec nos actes, il faudrait que le territoire français soit équitablement équipé en divers appareillages d’imagerie. Par exemple, le parc d’imagerie par résonance magnétique (IRM) est encore trop faible en France. Seule une décision politique nationale permettra un accès plus large et rapide à cette technique d’excellence non irradiante. Vouloir diminuer l’irradiation médicale de la population, c’est donner aux professionnels les moyens de réaliser cet objectif.
Quelles actions futures permettraient une amélioration de la radioprotection ?
H. D. : La SFR et l’IRSN travaillent sur la justification, l’optimisation et la radioprotection. Définir une convention entre nos deux entités pourrait améliorer leurs actions communes.
B. A. : En effet, la signature d’une convention IRSN et SFR consoliderait nos engagements. L’IRSN est une caution scientifique et dispose de moyens pour aider la SFR dans son combat.
En résumé Les points forts du rapport Expri : À l’avenir : |
En savoir plus :
- Télécharger le rapport IRSN - InVS L'exposition de la population française aux rayonnements ionisants liée aux actes de diagnostic médical en 2007 (document pdf)
- Dossier Radiologie et scanner, posons-nous les bonnes questions
- Dossier Radioprotection pédiatrique : La dose en ligne de mire