Savoir et comprendre

Episodes de sables sahariens sur la France

20/06/2024

Des panaches de poussières désertiques résultant de la remise en suspension éolienne de fines particules de sols (limons, argiles fines) se forment régulièrement, voire fréquemment, au Sahara. Ces particules de sol contiennent du césium-137 qui provient des retombées de l’ensemble des essais atmosphériques d’armes nucléaires, principalement effectués par les Etats-Unis et l’Union soviétique avant 1963.

Des conditions météorologiques particulières peuvent amener ces panaches de poussières désertiques jusqu’en Europe et notamment en France, soit après le survol de la Méditerranée, soit après le contournement par l’ouest de la péninsule Ibérique ou son survol. En France métropolitaine, la durée de ces épisodes est le plus souvent comprise entre deux et trois jours et peut dans certains cas dépasser une semaine. Il a pu être observé sur les vingt dernières années que la période la plus propice pour ces intrusions de poussières désertiques saharienne allait de février à mai-juin. 

Le césium-137 est présent dans l’environnement français métropolitain, notamment dans l’air, du fait de la rémanence des retombées des essais atmosphériques d’armes nucléaire d’une part, de l’accident de Tchernobyl d’autre part. En augmentant la quantité de poussières dans l’air, notamment en particules fines dont la concentration en césium-137 est plus élevée, les « épisodes de poussières sahariennes » induisent une augmentation de la concentration de césium-137 dans l’air en France. 

Ces évolutions de la concentration en césium-137 de l’air sont suivies par l’IRSN au moyen du réseau de stations de prélèvement d’aérosols atmosphériques du réseau OPERA-Air(1).

Le dépôt des poussières sahariennes, notamment lors des pluies, se traduit également par des dépôts de césium-137. Ces dépôts sont généralement plus marqués sur les reliefs (Pyrénées, Massif central, Alpes voire parfois sur le Jura et les Vosges) car les panaches de poussières désertiques qui parcourent de longues distances (jusqu’à plusieurs milliers de km) sont généralement plus concentrés en altitude. Toutefois, ces dépôts de césium-137 liés aux épisodes de poussières sahariennes sont négligeables au regard des concentrations de ce radionucléide déjà présentes dans les sols. Ils sont de plus sans danger pour la population et l’environnement.

> En savoir plus sur le réseau OPERA-AIR : Les réseaux de prélèvements

(1) L’observatoire OPERA-Air de l’IRSN dédié à l’observation des niveaux des radionucléides dans l’atmosphère s’appuie sur un réseau de cinquante-deux stations de filtration d’air répartie sur le territoire métropolitain + Tahiti. Ces stations collectent les poussières atmosphériques sur filtres (ou aérosols), sur des périodes de 7 jours, et sont analysés en laboratoire. Les stations les plus performantes de cet observatoire (une douzaine) permettent de mesurer chaque semaine le bruit de fond en césium-137 hérité.

L’évènement du 15 au 21 juin 2024

Le sud de la France et notamment un large quart sud-est, sont soumis depuis le week-end dernier (15 et 16 juin 2024) à un nouvel épisode de poussières sahariennes.

Malgré une coloration du ciel et l’effet de brume qui en résultait, les concentrations atmosphériques en poussières (PM10) mesurées notamment par l'observatoire de la qualité de l'air en Région Sud Provence-Alpes-Côte d'Azur (AtmoSud) sont restées relativement faibles au niveau du sol jusqu’au 17 juin 2024.

Depuis le 19 juin 2024, ces concentrations sont en très nette augmentation pouvant atteindre 140 µg/m3 le 20 juin en début de matinée (en lieu et place d’une valeur habituellement comprise entre 15 et 20 µg/m3).

En lessivant l’atmosphère, les pluies entrainent des dépôts significatifs de poussières de couleur ocre. Cet évènement va se poursuivre jusqu’à vendredi 21 juin 2024 soir, pouvant dépasser par endroit plusieurs dizaines de grammes par m2.

L’IRSN s’appuie sur les stations de prélèvements de son observatoire permanent de la radioactivité de l’air (OPERA-AIR) pour suivre cet événement sans danger pour les populations.

Les résultats de ces mesures seront consultables sur le site internet du Réseau National de Mesures de la radioactivité de l’environnement (RNM) : https://mesure-radioactivite.fr/#/.

L’évènement des 29 et 30 mars 2024

Station à très grand débit de filtration d’air du réseau OPERA-Air de l’IRSN dédiée à la détection de radionucléides à l’état de traces dans l’atmosphère.

Station à très grand débit de filtration d’air du réseau OPERA-Air de l’IRSN dédiée à la détection de radionucléides à l’état de traces dans l’atmosphère.

Les 29 et 30 mars 2024, les conditions météorologiques ont conduit à l’arrivée sur le Sud-Est de la France, de masses d’air venant du Sahara. Ces masses d’air sont chargées de particules(2) (limons et sables fins) provenant du sol, puis soulevées et transportées par les vents sur des distances pouvant atteindre plusieurs milliers de km. Les sols sahariens dont elles sont issues contiennent, comme tous les sols de l’hémisphère Nord, du césium 137 (Cs-137) provenant des retombées des essais nucléaires atmosphériques réalisés par les grandes puissances au cours de la seconde moitié du XXème siècle.

Comme lors d’épisodes météorologiques similaires (en février 2021 et septembre 2023), l’IRSN a mesuré l’activité volumique du Cs-137 dans l’air prélevé par ses stations de surveillance de la radioactivité du réseau OPERA Air déployé sur tout le territoire et notamment dans le quart Sud-Est. 
Les résultats des mesures pertinentes au regard de l’épisode à caractériser sont présentés dans les tableaux ci-après.

(2) Ou aérosols

Stations OPERA très grand débit 

Les stations OPERA très grand débit équipées de pompes à débit de filtration compris entre 400 et 900 m3/h, permettent de suivre la variabilité du bruit de fond des radionucléides artificiels. Ce dispositif permet de mesurer ces radionucléides à l’état de traces dans l’atmosphère. C’est le cas notamment du Cs-137 dont la présence dans l’atmosphère s’explique par la remise en suspension de particules de sols sous l’action du vent (érosion éolienne). 

Tableau 1 : Activité volumique de Cs-137 dans l’air aux stations OPERA à très grand débit de filtration.

Lieu

Période de prélèvement

Activité de Cs-137 dans l’air (µBq/m3)

Pic du Midi de Bigorre

26/03 au 02/04/2024

0,023 ± 0,009

02/04 au 09/04/2024

0,782 ± 0,118

Clermont-Ferrand

28/03 au 04/04/2024

0,101 ± 0,034

04/04 au 11/04/2024

0,231 ± 0,039

Dijon

22/03 au 29/03/2024

0,048 ± 0,024

29/03 au 05/04/2024

0,192 ± 0,045

Bure

25/03 au 02/04/2024

0,164 ± 0,032

02/04 au 08/04/2024

0,168 ± 0,030

La Seyne sur Mer

28/03 au 30/03/2024

2,171 ± 0,350

05/04 au 09/04/2024

0,103 ± 0,036

Bordeaux

27/03 au 03/04/2024

0,274 ± 0,053

03/04 au 10/04/2024

0,853 ± 0,122

Orsay

27/03 au 03/04/2024

0,028 ± 0,012

03/04 au 10/04/2024

0,061 ± 0,019

Alençon

19/03 au 26/03/2024

0,038 ± 0,015

02/04 au 09/04/2024

0,048 ± 0,015

Le Vésinet

28/03 au 29/03/2024

< 1,1

29/03 au 30/03/2024

< 1,1

30/03 au 31/03/2024

< 0,8

Les résultats indiqués après le signe < correspondent à des valeurs inférieures au seuil de décision(3) (SD).

Les résultats en caractères gras dans le tableau sont ceux que l’IRSN considère être supérieurs à la gamme habituelle de variation du bruit de fond(4) évalué pour chacune de ces stations.

En routine, les stations du réseau OPERA prélèvent les poussières atmosphériques sur une semaine. Les résultats en italique correspondent aux stations pour lesquelles les filtres ont colmaté avant la fin de la période de prélèvement du fait de la concentration élevée en poussières dans l’atmosphère. La période de prélèvement des aérosols est donc réduite par rapport aux autres filtres et correspond essentiellement à la durée de présence des poussières sahariennes. Ceci peut expliquer les concentrations plus élevées enregistrées à ces stations puisque les valeurs n’ont pas été “diluées” par l’air moins chargé en particules sur le restant de la période de prélèvement habituelle (c.à.d. lorsque les poussières sahariennes n’étaient plus présentes). Par exemple, l‘IRSN estime que la mesure de 2,171 µBq/m3 obtenue à la station de la Seyne sur Mer du 28 au 30/03/2024 (c’est-à-dire pendant la période de présence des poussières sahariennes) aurait été ramenée à 0,84 µBq/m3 si le prélèvement avait duré une semaine.

(3) Le seuil de décision est la valeur minimale que doit avoir la mesure d’un échantillon pour que le métrologiste puisse « décider » que cette activité est présente et donc mesurée. En dessous de cette valeur, l’activité de l’échantillon est donc trop faible pour être estimée. Ce seuil de décision dépend de la performance et du rayonnement ambiant autour des moyens métrologiques utilisés.

(4) Hors épisodes sahariens ou épisodes liés à l’arrivée de panache de feux de forêt survenus dans les territoires fortement contaminés situés dans les régions proches de Tchernobyl. Cf. note d'information du 5 mai 2020.

Stations OPERA moyen débit

En complément des mesures réalisées sur les filtres de ses stations à très grand débit, l’IRSN, ayant connaissance de l’arrivée de poussières sahariennes dans le sud-est de la France fin mars 2024, a optimisé les conditions de mesures des filtres de ses stations à moyen débit situées en vallée du Rhône. Seuls les résultats significatifs sont présentés dans le tableau 2.

Tableau 2 : Activité volumique de Cs-137 dans l’air aux stations OPERA à moyen débit (80 m3/h).

Lieu

Période de prélèvement

Activité de Cs-137 dans l’air (µBq/m3)

Marcoule

28/03 au 01/04/2024

1,22 ± 0,34

Romans

25/03 au 02/04/2023

0,64 ± 0,34

 

Le filtre de la station de Marcoule a également colmaté du fait d’une concentration élevée en poussières sahariennes dans l’air (à l’image du filtre de la station de La Seyne sur Mer). Ce colmatage a conduit à prélever essentiellement le panache de poussières sahariennes sur la période et explique donc la valeur plus élevée en comparaison des autres résultats obtenus sur une période de prélèvement plus longue. 

Les mesures obtenues fin mars/début avril sur ces deux stations OPERA moyen débit montrent une contribution des poussières sahariennes.

Analyse des résultats

Ces résultats de mesure montrent que l’évènement du 29-30 mars dernier a affecté principalement les régions situées à l’est d’une ligne allant des Hautes Pyrénées aux Ardennes. Cet épisode s’est prolongé sur la première semaine d’avril, principalement entre le 6 et le 8, au sud d’une ligne allant de l’estuaire de la Gironde à Charleville-Mézières, comme en témoignent les mesures obtenues sur les stations de Bordeaux et du Pic du Midi de Bigorre.

En conclusion, comme pour les précédents évènements de septembre 2023 et février 2021 (Cf. rappel ci-dessous), si la concentration de Cs-137 mesurée par l’IRSN a dépassé les niveaux habituellement observés entre fin mars et début avril 2024, les niveaux mesurés dans l’atmosphère sont restés extrêmement faibles et l’impact dosimétrique de cet évènement, négligeable. 

De façon plus générale, tous les résultats des mesures des stations OPERA sont consultables sur le site internet du Réseau National de Mesures de la radioactivité de l’environnement (RNM) à l’adresse suivante : https://mesure-radioactivite.fr/#/

L’évènement de février 2021 

Lors de l’épisode de février 2021 si la concentration de césium-137 mesurée par l’IRSN avait augmenté de façon significative par rapport aux niveaux habituellement observés, les niveaux mesurés dans l'atmosphère avaient été extrêmement faibles et l’impact dosimétrique de cet épisode, négligeable. (Cf. note d’information du 4 mars 2021).

L‘évènement de septembre 2023

Le 3 septembre 2023, les conditions météorologiques ont conduit à l’arrivée, sur le territoire métropolitain, de masses d’air venant du Sud et transportant des poussières sahariennes. Ces masses d’air ont atteint en premier le Sud-Ouest de la France et se sont étendues progressivement à tout le territoire durant cette semaine. L’IRSN a mis à disposition les résultats de ses mesures de l’activité volumique du césium-137 (Cs-137) dans l’air sur le site internet du Réseau National de Mesures de la radioactivité de l’environnement (réseau RNM) à l’adresse suivante : https://www.mesure-radioactivite.fr/#/

Il ressort de ces résultats que les concentrations en césium-137 mesurées dans l’air par l’IRSN sur cette période sont restées extrêmement faibles et l’impact dosimétrique de cet épisode, négligeable.